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jour, il expérimente, il cherche le progrès ou tout au moins le changement : il fait effort.

L’explication qu’avec beaucoup d’autres nous avons adoptée pour la sensibilité musculaire supprime-t-elle la réalité ou l’importance de l’effort ? Une telle opinion, bien qu’elle ait été exprimée par des hommes de talent ou d’avenir, nous semble bizarre. Que cette activité fondamentale et originelle soit avertie sensiblement de son effort avant ou après l’exécution des mouvements qu’elle a conscience de vouloir, que nous importe ? L’effort en est-il moins réel ? La persévérance que notre activité met au service de notre raison, malgré les obstacles pénibles qu’elle a sentis, après en avoir éprouvé la résistance, en a-t-elle moins de signification ? Nous ne le croyons pas, quant à nous. L’élément sensible de ce complexe phénomène est postérieur au premier déploiement de l’activité qui s’y exerce : c’est là un cas de la loi générale de l’antériorité de l’action sur la sensation, que nous avons tenu à établir. Que la conscience de cette activité doive ensuite plus ou moins aux sensations issues de ce développement même, elle demeure toujours la partie, sinon la plus apparente, à coup sûr la plus essentielle de l’effort, et celui-ci est toujours la condition permanente de la réflexion, du progrès, de la raison et de la libre volonté.

Henri Joly.