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STRICKER.de la parole et des sons intérieurs

visuelles, le nerf auditif seulement les impressions auditives. Maintenant, on est autorisé, en conséquence des travaux entrepris ces quinze dernières années, à attribuer des énergies spéciales aux diverses régions de l’écorce corticale. L’aire corticale du nerf visuel ne peut transmettre que des représentations visuelles, celle du nerf auditif ne peut nous donner que des représentations auditives ; celle des nerfs musculaires, seulement des représentations motrices.

Quand donc j’entends une mélodie, l’image auditive, la représentation prend naissance dans l’aire corticale du nerf auditif. De là, d’après ma théorie, l’impression est aussitôt transmise à une région corticale motrice, et j’innerve le larynx ; je chante intérieurement. Chez les individus bien doués pour la musique, le résidu des deux représentations se conserve longtemps. Quand ils se souviennent des mélodies entendues, les représentations du timbre s’éveillent en eux, et il leur faut une attention particulière pour trouver que leur larynx est aussi innervé que s’il devait chanter tout bas. Chez ceux qui sont moins bien doués, le souvenir du timbre s’évanouit plus vite ; mais l’image motrice peut encore se conserver. Ils peuvent alors très bien se souvenir des mélodies, bien que le souvenir du timbre se soit éteint. Les représentations de sons qui restent sont donc, dis-je, motrices, et il est parfaitement conforme à leur nature que nous distinguions dans ces sons hauteur et rythme. Quand je pense à une série de sons sans timbre, j’innerve les muscles comme si je devais chanter des sons de différentes hauteurs.

Mais en quoi consistent, d’après M. Stumpf, ces représentations de sons ? Certainement pas en représentations auditives. Il déclare expressément qu’il peut se représenter ces sons sans timbre, et je dois accepter cette assertion avec d’autant plus de confiance qu’elle répond à mes idées et se trouve d’accord avec celles des hommes compétents. Mais les idées de timbre et de « représentations auditives » ne coïncident pas entièrement ; si donc une représentation n’a pas de « timbre », elle peut cependant encore contenir une image acoustique du ton simple. Par son (Klang), on ne comprend, comme M. Stumpf a la bonté de me l’apprendre, que des sons composés. Par là, on pourrait donc supposer que si même l’image auditive ne se conserve pas en entier dans la conscience, elle pourrait cependant y rester en partie. Mais cette supposition est, pour les motifs que je vais donner, absolument inadmissible.

Que les sons soient composés, c’est ce que nous avons appris par les recherches entreprises en physique et en nous servant de moyens