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dit Gœthe, le pressentiment des facultés qui sont en nous, le précurseur des choses que nous sommes capables d’exécuter, enveloppe deux éléments : 1o un besoin, soumis aux lois que nous venons d’analyser ; 2o une image plus développée et plus active des satisfactions nécessaires à ce besoin. Nous avons achevé l’étude du premier de ces deux éléments. L’étude du second relève d’un autre ordre de problèmes, nous voulons dire de celui qui a pour objet, non plus le mode affectif, ni le mode réactif ou moteur, mais le mode représentatif de la sensibilité. Si étroitement que se tiennent en réalité tous ces modes de notre vie psychologique, nous sommes donc obligé de les séparer dans notre travail[1]. Mais il est un phénomène de la sensibilité qui exerce sur le mouvement une influence beaucoup plus directe et qui tient plus étroitement encore au besoin : c’est l’émotion. Il convient de nous y arrêter.

V

Disons tout de suite que nous n’entendons pas le mot émotion dans le sens très général où le prend M. Bain, au cours de son livre intitulé : les Émotions et la Volonté. Il s’agit dans ce vaste ouvrage de tous les sentiments de l’âme humaine, et l’auteur en étudie le développement complet. Nous prenons le mot émotion dans le sens étymologique du mot français[2] : un trouble subit qui excite ou ralentit pour quelque temps le mouvement ordinaire de notre vie physiologique ou de notre vie mentale. Dans l’ordre physiologique, c’est, disent nos grands dictionnaires, « une altération, un trouble, un mouvement excité dans les humeurs, dans l’économie[3] ». Dans l’ordre psychique, c’est, dit Littré, « un mouvement moral qui trouble et qui agite, et qui se produit sous l’empire d’une idée, d’un spectacle, d’une contradiction, quelquefois spontanément sous l’influence d’une perturbation nerveuse ».

Les exemples à citer ne manquent pas. Un froid subit produit à la peau une émotion qui se produit par un frissonnement plus ou


C’est d’ailleurs l’acception que le Dictionnaire de l’Académie et celui de Littré s’accordent à lui donner.

  1. De même l’appétit est un phénomène qui touche de très près au besoin, c’est un besoin périodique ou rendu tel par l’habitude.
  2. C’est d’ailleurs l’acception que le Dictionnaire de l’Académie et celui de Littré s’accordent à lui donner.
  3. On ajoute, comme exemple : émotion de pouls, état d’un pouls qui s’écarte un peu, pour la vivacité et la fréquence de l’état normal.