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JOLY.la sensibilité et le mouvement

un mouvement particulier. Ils ne demandent plus aux fonctions de relation d’efforts spéciaux ; mais la plupart des autres fonctions, par exemple les fonctions circulatoires, se ressentent de l’agitation ou de l’intensité qu’ils imposent aux actes cérébraux. Le cœur bat d’une autre manière, le pouls s’accélère ou se ralentit, et les mouvements de la physionomie révèlent les divers accidents de la vie intérieure.

Supposons enfin que ces représentations ne mettent en mouvement que les organes les plus indispensables à l’exercice de la pensée et de la conscience : on peut dire que c’est alors un besoin purement idéal qui est en jeu. Toutefois la formule du besoin reste la même. Il y a là une force spirituelle, née d’une heureuse combinaison d’idées donnant à l’esprit une conscience claire de ce qu’il peut. À peine cette force commence-t-elle à s’exercer, à sa manière, qu’elle aussi veut s’employer de plus en plus : elle redouble ses invisibles efforts, à mesure qu’elle entrevoit des résultats plus satisfaisants. Pour qui est-ce un besoin de trouver une nouvelle solution de tel ou tel problème de mathématiques, sinon pour celui qui possède bien les données de ce problème, qui a vu le bon et le mauvais des solutions proposées, en un mot qui a déjà, comme on dit, une certaine force en mathématiques ? On peut généraliser sans crainte, car c’est bien là la loi de tous les besoins intellectuels et de ce qu’on appelle les besoins du cœur. Pour avoir besoin d’un ami, il faut être soi-même capable d’amitié.

Un des chefs d’une des institutions charitables les plus populaires de Paris nous disait avoir constaté bien des fois chez les enfants abandonnés un besoin d’une autre nature : il l’appelait le besoin de l’aveu. Il faut qu’il y ait là une force bien irrésistible, car à chaque instant la maison hospitalière voit arriver quelque adolescent qui, par hasard, en a appris l’existence. Il vient demander asile sans doute, et protection contre la violence des autres, ou contre les poursuites de la justice ou peut-être encore contre lui-même et ses coupables habitudes. Mais il demeure embarrassé, taciturne, maladroit, tant qu’il n’a pas été de lui-même confier le secret qui l’obsède ; et il n’est pas rare que le secret soit quelque meurtre inconnu. Une fois l’aveu fait, il y a une sorte de soulagement ; l’enfant ne sent plus l’obstacle redoutable qui arrêtait comme au passage les bonnes intentions, le désir de renouvellement, la volonté d’apprendre et d’agir. Tout cela se remet, pour ainsi dire, en mouvement, et toutes les facultés alléguées retrouvent leur entrain et leur gaieté.

S’il s’agissait ici d’une étude complète de la sensibilité, nous devrions parler maintenant du désir. Mais le désir qui est, comme