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cependant qui viennent mêler à cette première sollicitation leurs besoins particuliers, car la sensibilité olfactive, la sensibilité cutanée, la nature de la circulation sanguine, son rythme général et son mode de distribution dans les régions diverses du corps ont ici une importance que chacun sait. Si l’on dit que chacune de ces sensibilités a un centre local, distinct de tous les autres, il faut bien avouer par là même que le besoin complexe qu’elles alimentent n’a pas un centre unique. Ce n’est pas l’action d’un mécanisme isolé qu’il faut invoquer ici : c’est le concours harmonique de plusieurs fonctions associées pour une même fin.

Mais ces fonctions, les avons-nous toutes examinées ? Chacun répondra négativement, puisqu’il faut encore faire la part de l’imagination. Nous ne savons dans quelle mesure il convient de distinguer avec Ferrier des centres représentatifs et intelligents en opposition avec des centres présentatifs ou émotionnels. Mais, en tout cas, la psychologie est obligée de faire la distinction de ces deux ordres de faits, quelle que soit dans l’organisme la séparation ou la fusion des centres nerveux qui leur correspondent. Que serait en effet le besoin sans l’intervention continuelle de l’image qui le prépare, l’organise et le prolonge ? Elle le prépare en développant une certaine attente, en accroissant, comme par une série d’ondulations intérieures, l’effet d’une excitation subie, en réveillant les diverses tendances qui, au signal de cette excitation, se réunissent pour se coaliser ou pour se combattre. Elle l’organise en soumettant tous les petits états qui le composent à l’action d’une image dominante qui prévient les hésitations, surmonte les dégoûts, s’il y en a, réunit toutes les énergies dans une sorte d’entraînement général où elles se renforcent l’une l’autre, en convergeant vers un même but. Elle en favorise la survivance, en assurant la durée des représentations qui rappellent les sensations déjà goûtées, et elle le tient ainsi toujours plus prêt à répondre à de nouvelles excitations.

III

Ce sera compléter et vérifier tout à la fois cette analyse du besoin que de décomposer pareillement ce qu’on peut appeler le faux besoin qui n’en est qu’une reproduction artificielle et maladive, puis le dégoût qui en est, pour ainsi dire, l’ennemi.

Tout le monde connaît ces besoins factices qu’on appelle de noms si divers, boulimie (ou excès d’appétit pour les aliments), dipsomanie,