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JOLY.la sensibilité et le mouvement

côté. En tant qu’organe « d’idéation » ou de conscience représentative, il est un organe double : chaque hémisphère est complet en lui-même, et l’hémisphère demeuré intact peut suffire à toutes les opérations mentales. C’est ainsi qu’un individu sera paralysé de tout un côté du corps dans sa sensibilité et sa motilité physiologiques, et que néanmoins il ne sera pas paralysé mentalement.

Sans prendre parti, encore une fois, dans ces controverses, on peut observer (en se couvrant de l’autorité de Wundt) que tout acte psychique (et le besoin certes en est un) est « un produit extrêmement complexe qui nécessite très probablement la collaboration compliquée de nombreux éléments centraux[1] ». Cette assertion est entièrement d’accord avec les faits cliniques. Rarement l’organisation atteinte montre dans ses lésions la simplicité qu’offre une montre ou une machine quelconque dont tel ou tel ressort est cassé. Quelles nuances innombrables dans les altérations de ces fonctions ! Et particulièrement quelles bizarreries dans les variations qui affectent les besoins !

Mais tenons-nous-en, pour le moment, à notre analyse et à ce qu’elle nous a donné d’acquis et de certain. Si tout besoin suppose, avec l’effort naissant d’un organe local, tout un groupement d’efforts sympathiques dans un nombre considérable d’autres organes, il paraît évident que chacun de ces organes a de son côté un lien qui le rattache au centre général. Que les fonctions du cerveau soient diffuses ou qu’elles soient rigoureusement localisées, il n’est donc, pour ainsi dire, aucun besoin qui se puisse rattacher exclusivement à l’une ou à l’autre des petites régions encéphaliques.

Prenons le besoin sexuel, comme étant l’un des plus connus et des plus clairs. Il faut d’abord faire la part de l’organe ou de l’appareil spécial. L’ablation qui en est opérée chez certains animaux et chez les eunuques laisse-t-elle encore subsister, pendant quelque temps, des traces de besoin ? Cela est possible mais il est plus probable encore qu’elle ne tarde pas à les supprimer complètement[2]. Qu’on dise que cette ablation, entraînant l’impossibilité de la fonction, décourage, réduise à l’inaction, fasse en quelque sorte mourir la région des centres nerveux à laquelle elle se rattachait ; c’est une façon comme une autre d’expliquer la vertu de l’organe local. Mais cela n’en supprime nullement le rôle et l’importance. Il en est d’autres

  1. Ouvrage cité, tome I, p. 239.
  2. Voyez dans les Annales médico-psychologiques de mai 1886 une étude du Dr Hospital sur les Eunuques volontaires. « La survivance des désirs dans l’imagination et dans la sensibilité générale est en proportion avec l’âge auquel la mutilation a été pratiquée. »