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STRICKER.de la parole et des sons intérieurs

Ce qui revient à dire : 1o qu’il y a des sons sans timbre ; 2o qu’il n’y a que les sons composés qui aient un timbre ; 3o que les sons simples n’ont pas de timbre ; 4o que les sons représentés (simples) ont au moins le timbre des sons simples.

M. Stumpf se représenterait donc, d’après ce qu’il dit, les sons simples sans timbre, avec timbre.

N’est-on pas tenté d’admettre qu’un psychologue aussi distingué que M. Stumpf a dû se tromper, quand il a écrit cette phrase ? Et nous, qui répondons à sa note, ne sommes-nous pas tenu d’examiner ce qu’il a vraiment eu l’intention de dire ? N’est-il pas injuste envers moi, quand il m’accuse de vouloir lire les pensées, parce que je me suis donné la peine d’expliquer les siennes propres ?

« J’ose dire, nous dit-il, qu’il y a des sons sans timbre. »

Tout ce que j’ai dit dans mon étude du langage et de la musique tend à prouver que nos représentations de mots et de sons ne contiennent pas nécessairement des images auditives. Lui, se met à réfuter ma théorie et commence par soutenir ce qui en fait l’essence et le fondement même.

Puis, après avoir tenté cette hardie démarche, après s’en être rapporté à Ed. Gurney et O. Jahn qui parlent aussi d’abstractions pour ce qui regarde les représentations de sons, il me donne une leçon dont je me souviendrai toute ma vie. « Que M. Stricker apprenne par là, dit-il, que d’après ces célèbres explications, les compositeurs se représentent les sons avec timbre et que d’après ce que Henle et moi (Stumpf) disons, cela a aussi lieu chez ceux qui ne sont pas compositeurs. » Mais il ajoute prudemment à cette déclaration : « ce qui d’ailleurs s’entend de soi ». S’il avait encore dit que cela se comprend aussi de soi pour M. Stricker, qui l’a répété à satiété, que cela n’est absolument pas sujet à contestation, que cela ressort de tout ce qu’il a dit et que cela n’a passé dans sa note que par un lapsus calami, M. Stumpf aurait alors réparé toutes les fautes qu’il a commises contre la logique et les usages qu’on est tenu d’observer quand on écrit, car il est contraire aux bonnes manières de se donner, sur des motifs défectueux, l’apparence de vouloir réprimander son adversaire, cela me semble fortiter in modo et suaviter in re.

La seule divergence qui nous sépare est la suivante. Je dis que la mélodie que j’ai entendue dans un certain timbre laisse en moi une image motrice de cette mélodie qui me la fait chanter intérieurement Le timbre, dis-je, peut disparaître, mais l’image motrice reste. Je peux me représenter cette mélodie, je puis la chanter sans savoir sous quel timbre je l’ai entendue. M. Stumpf concède