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société de psychologie physiologique

et je l’ai trouvée dans un état de somnambulisme léthargique sans aucun mouvement.

Enfin le mardi 16 mars, M. Gibert l’endormit de chez lui à huit heures du soir dans des conditions particulièrement intéressantes sur lesquelles nous aurons à revenir à propos d’autres phénomènes. Tel est le récit des expériences qui ont été tentées sur le sommeil à distance pendant cette seconde série de recherches. Mme B… nous avait quittés le 18 mars. Mais plusieurs personnes, entre autres mon oncle, M. Paul Janet, M. le Dr Charles Richet, MM. Myers de Cambridge, M. le docteur Ochorovicz, M. Marillier, nous ayant exprimé le désir de voir quelques-unes de ces expériences, nous l’avons fait revenir au Havre le 13 avril. M. Marillier va sans doute faire à la Société le récit des expériences qui ont été tentées devant ces messieurs ; je voudrais seulement indiquer dans quelles conditions elles ont été faites, ce qui les a précédées et suivies.

J’étais fort inquiet sur le succès de ces expériences parce qu’elles se présentaient à mon avis dans de mauvaises conditions. Je n’avais réussi le sommeil à distance auparavant qu’après un assez long exercice du sujet : 14 ou 15 séances au moins convenablement espacées, c’est-à-dire à peu près une par jour. Or ces messieurs devaient arriver au Havre deux ou trois jours à peine après l’arrivée de la somnambule qui devait avoir perdu depuis un mois une grande partie de son habitude hypnotique. Pour remédier à cet inconvénient, j’ai endormi le sujet plusieurs fois par jour. Je suis ainsi parvenu à mon but, c’est-à-dire à produire une plus grande sensibilité, mais en même temps j’ai produit un résultat fâcheux. Mme B… était extrêmement fatiguée ; elle avait à de fréquentes reprises des maux de tête qui troublaient complètement les phénomènes normaux. Enfin il lui arriva au bout de quelques jours d’être dans une sorte de somnolence presque continuelle. Ainsi une fois elle tomba spontanément en catalepsie sans suggestion aucune, deux heures après avoir été réveillée. Mon avis est que ce jour-là, après deux séances d’hypnotisme fort longues, elle avait été mal réveillée.

En tous les cas voici simplement la statistique des expériences sur le sommeil à distance pendant ce troisième séjour de Mme B… au Havre. Le 14 avril, étant seul avec elle, je l’ai endormie sans la toucher, mais en me tenant dans la même chambre qu’elle. Le dimanche 18, j’étais encore seul ; j’ai essayé pour la première fois dans cette série de l’endormir de chez moi : j’y ai parfaitement réussi ; elle s’est endormie dix minutes après l’instant où j’avais commencé à y penser. Le lundi 19 mon oncle, M. Paul Janet, venait d’arriver au Havre ; je voulais lui montrer d’abord la somnambule avant de tenter une expérience ; il préféra, personne ne pouvant être prévenu, prier M. Gibert de l’endormir immédiatement de chez lui. Pris ainsi à l’improviste, M. Gibert essaya ce commandement à quatre heures : nous avons trouvé Mme B… complètement endormie à quatre heures un quart. Le mardi 20, M. Gibert l’a encore endormie de loin à huit heures du soir devant M. Paul Janet et