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société de psychologie physiologique

Beaunis et Héricourt ont répondu à notre demande et ont communiqué des observations du même genre, nous obligeaient à vérifier de nouveau les mêmes faits et à rendre compte à la Société de nos expériences nouvelles.

C’est surtout sur le sommeil provoqué à distance qu’ont porté ces nouvelles recherches, car ce fait est de la plus grande importance et semble assez facile à vérifier. Comme je tenais à m’assurer de la réalité de ce phénomène, j’ai cherché à le produire moi-même à plusieurs reprises et avec toute la précision possible, et c’est sur le récit de ces expériences que nous insisterons tout d’abord.

Mme B… était de retour au Havre depuis le 10 février ; elle était restée en très bonne santé et n’avait éprouvé depuis son dernier voyage aucun accident nerveux. Une seule fois elle avait été indisposée, disait-elle, et dans les circonstances que voici. Une personne du pays où elle se trouvait et qui l’endormait autrefois avec la plus grande facilité avait essayé de produire de nouveau sur elle le sommeil magnétique. Elle s’y prit à plusieurs reprises, fit tous ses efforts pendant trois heures consécutives et ne parvint pas à l’endormir. Mme B…, à la suite de cette tentative, eut une forte migraine et une indisposition de quelques jours ; d’ailleurs elle ne comprenait point ce qui s’était passé ; elle croyait naïvement que personne ne pouvait plus l’endormir et que nous-mêmes nous n’y réussirions plus. Nous n’avions cependant aucune inquiétude à ce sujet, car nous nous souvenions que la veille de son départ du Havre, pendant la dernière séance de somnambulisme du 14 octobre, M. Gibert lui avait défendu d’être endormie par personne en dehors du Havre. La suggestion avait été faite mentalement, c’est-à-dire que M. Gibert n’avait fait que penser ce commandement en approchant son front de celui de la somnambule. Cependant je ne puis pas rapporter ce fait comme un exemple précis de suggestion mentale, car je ne suis pas certain que nous n’ayons pas discuté devant elle pendant son sommeil la possibilité d’une pareille suggestion. En tous les cas, on voit qu’elle avait parfaitement réussi pendant quatre mois. Dès que Mme B… fut avec nous, sans lui rien expliquer, M. Gibert lui pressa la main comme autrefois et elle s’endormit en deux minutes ; je l’endormis moi-même le lendemain avec la plus grande facilité en quelques minutes.

J’ai essayé en l’endormant souvent moi-même d’acquérir sur cette femme une sorte d’influence assez grande pour pouvoir tenter avec quelques chances de succès le commandement du sommeil à distance. Pendant les premières séances, j’ai donc endormi Mme B… en lui tenant la main ou le pouce, sans essayer d’autres procédés. L’état hypnotique une fois produit, je l’ai étudié et analysé afin d’en distinguer autant que possible les caractères et les phases, et c’est le résumé de ce travail que M. Ch. Richet{{}} a eu l’obligeance de recevoir à la Revue scientifique[1].

  1. J’ai pu vérifier dans ces recherches l’existence des états mixtes de l’hypnotisme déjà signalés dans la thèse de M. le Dr Magnin.