LE PROBLÈME DE LA SUGGESTION MENTALE[1]
Avant d’aborder le problème de la suggestion mentale, il faut éliminer tout ce qui peut la simuler, afin d’être sûr que le phénomène a lieu indépendamment des moyens connus de perception.
Or la suggestion mentale peut n’être qu’apparente, étant causée :
1o Par le hasard, qui peut s’exercer dans une très large mesure ;
2o Par une perspicacité automatique du sujet, perspicacité qui résulte d’une certaine « harmonie préétablie » entre deux cerveaux, exposés aux mêmes sensations, et présentant un mécanisme associationiste analogue ;
3o Par une suggestion verbale involontaire de l’expérimentateur, qui n’a pas l’habitude de s’observer bien soi-même ;
4o Par l’attitude réflexe des personnes qui doivent contrôler les expériences, qui en connaissent d’avance les résultats à obtenir, et qui ne savent pas bien s’observer ;
5o Par suggestion musculaire de l’expérimentateur, imperceptible pour lui-même ;
6o Par l’hyperesthésie olfactive, qui permet au sujet de distinguer les personnes et les objets touchés par elles ;
7o Par l’hyperesthésie du toucher, qui produit le phénomène de l’attraction par des gestes et quelques autres ;
8o Par l’hyperesthésie de l’ouïe, qui permet au sujet d’entendre des mots à peine prononcés et autres signes auditifs, comme le bruit des respirations, des déplacements, des gestes, etc. ;
9o Par un développement exceptionnel de la mémoire qui, coïncidant avec une certaine inconscience, peut imiter en même temps la vision à distance et la transmission de pensée ;
10o Par une association accidentelle, inconsciente pour l’expérimentateur, et une habitude, également inconsciente du sujet, qui fait que le phénomène A est suivi du phénomène B, ce que l’on attribue faussement à la suggestion, alors que c’est un fait d’association.
Par conséquent, n’ont pas une valeur scientifique suffisante toutes les expériences de suggestion mentale, dans lesquelles :
1o Le nombre des échecs n’est pas indiqué aussi exactement que celui des succès ;
2o Les objets pensés n’ont pas été fixés par avance, mais choisis au dernier moment, au fur et à mesure des expériences ;
3o On a parlé inutilement et devant le sujet, sous l’influence de l’objet déjà choisi, et qu’on a dans l’esprit ;
- ↑ Extrait de deux communications faites à la Société de psychologie physiologique le 25 janvier et le 19 avril 1886.