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SOCIÉTÉ DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE


MOUVEMENTS DIVERS ET SUEUR PALMAIRE CONSÉCUTIFS À DES IMAGES MENTALES[1]

M. Ch. Richet nous a dernièrement communiqué (séance du 25 janvier) plusieurs expériences intéressantes montrant qu’une personne à qui on affirme qu’elle est en présence d’un certain objet, peut faire des gestes en rapport avec l’impression produite ordinairement par la vue de cet objet, sans être nullement convaincue de la véracité de l’affirmation, et alors même qu’elle en connaît parfaitement la fausseté. M. Richet a interprété les gestes ainsi provoqués par lui en disant qu’ils étaient l’expression d’une conviction superficielle », d’une « croyance limitée au geste ».

Je crois que des faits du même genre peuvent être observés fréquemment. En voici un pris au hasard.

M. D…, intendant d’un château, avait une horreur extrême des rats. On s’amusait quelquefois, étant à table, à lui dire : M. D…, voici un rat. Aussitôt, cet homme, qui savait fort bien qu’on voulait plaisanter, faisait de violents gestes de dégoût et cessait de manger. Bien plus, si l’on continuait à parler de rats, il quittait la salle à manger pour se soustraire à l’image odieuse qu’on avait éveillée dans son cerveau. J’ai été témoin de ce fait à plusieurs reprises. J’ajoute que la personne en question avait le geste facile, et que les traits de son visage présentaient une grande mobilité quand il parlait ou qu’on lui racontait quoi que ce fût. Je le soumis un jour à l’influence du haschich. Pendant plusieurs heures il eut des hallucinations variées qu’il traduisit par une pantomime des plus animées.

Il m’est arrivé, plusieurs fois, à table, de provoquer l’expression prolongée du dégoût en disant à des amis qu’il y avait une araignée dans le potage ou quelque saleté dans le pain, et cela même après avoir prévenu que j’allais faire une mauvaise plaisanterie. Il est inutile d’insister sur ces exemples qu’il est très facile de reproduire à volonté.

Je suis même persuadé que chacun de nous pourrait citer des faits analogues. Je n’ai cité les précédents que pour indiquer la véritable nature de ceux observés par M. Ch. Richet, et pour classer ces derniers. On vient de voir, en effet, que des gestes, des mouvements d’ex-

  1. Séance du 29 mars 1886. (Présidence de M. Charcot.)