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L’ouvrage comprend six leçons : I. Les présuppositions philosophiques : Descartes et Locke ; II. Le scepticisme philosophique de Hume ; III. Thomas Reid, Sensation et Perception ; IV. Reid et Kant ; V. La relativité de la connaissance : Kant et Hamilton ; VI. La possibilité de la philosophie comme système ; la philosophie écossaise et Hegel.

Le premier chapitre débute par l’énumération des raisons qui ont porté l’auteur à choisir pour sujet la philosophie écossaise et à traiter théoriquement plutôt qu’historiquement la question choisie. À première vue, nous dit-il, il peut sembler superflu de parler de philosophie écossaise devant un auditoire écossais. Il n’en est rien cependant.

Les productions philosophiques de la jeune génération sont marquées plus profondément par l’influence allemande que par l’influence écossaise. On a dit fréquemment qu’elles représentent une culture exotique, destinée à disparaître comme une mode éphémère ; on parle de leur faiblesse mortelle (mortal weakness), de leur jargon embarrassé. On raille l’attachement servile de leurs auteurs à des phrases et à des formules, leur peu d’habileté à les interpréter et à les appliquer d’une manière intelligente et vivante. En faisant la part de l’exagération, il y a du vrai dans ce qu’on dit ainsi des penseurs anglais et écossais qui relèvent de l’idéalisme allemand. Malgré le nombre de leurs adhérents, qui n’est dépassé que par celui des Empiriques agnostiques, leurs doctrines conservent toujours un certain caractère d’ésotérisme. Elles paraissent demeurer sans action sur l’école opposée et n’avoir qu’une influence limitée sur le développement général de la pensée anglaise. Les Idéalistes déchargent sans cesse leur artillerie contre les Empiriques et les Agnostiques, mais la canonnade semble passer, sans lui faire aucun mal, au-dessus de la tête de l’ennemi. Et comme rien n’est plus clair, à la surface tout au moins, que le langage par lequel les Agnostiques établissent leur position, on en a conclu que ce manque de résultat était dû aux défauts des expositions idéalistes. À coup sûr, la difficulté de se comprendre les uns les autres est augmentée par l’attention trop exclusive que l’école idéaliste a habituellement accordée à un seul groupe de penseurs étrangers : Kant et Hegel sont sans doute, de tous les philosophes modernes, ceux qui méritent et qui exigent surtout d’être longuement étudiés. Mais c’est à l’esprit d’exclusivisme que provoquent de semblables études qu’il faut attribuer cet isolement des partis qui caractérise actuellement le monde philosophique. En portant notre attention plus près de nous, vers les choses de notre pays, nous pourrons, dit M. Seth, amener les armées ennemies à se mêler l’une à l’autre. L’Empirisme moderne repose sur Hume, et la philosophie allemande se présente tout d’abord comme une réponse à Hume. Mais dix-sept ans avant Kant, un homme avait déjà répondu à Hume dans son propre pays, c’était Reid. Les meilleurs historiens de la philosophie sont allemands et n’accordent que fort peu d’attention à Reid, qui d’ailleurs, au point de vue spéculatif, ne peut entrer en comparaison avec Kant. Mais Reid peut