maintenir. Ils rient, ils pleurent avec des démonstrations exagérées, et il faut user de la plus grande prudence dans les suggestions qu’on leur donne. Ils sont prompts à l’action. Si on leur dit de se jeter à l’eau, de danser, de chanter, ils le font à l’instant ; mais si on veut leur faire avoir une hallucination comme d’un portrait, d’un oiseau, d’un bateau, etc., ils se montrent récalcitrants, et ne l’ont qu’à force de répétitions.
Tous les sujets de M. Ch… sont modelés sur ce type. Ils ont passé par les mains de Donato. Cette circonstance nous donne l’explication de ce type.
Quand Donato arrive dans une ville, son premier soin est de rechercher des sujets disposés à se donner en spectacle. Pour cela il organise des séances dites privées et gratuites auxquelles viennent des gens curieux d’éprouver les effets du magnétisme, surtout des adolescents, voire des enfants. Il y en a qu’il « prend » dès la première fois ; mais, pour la plupart, quelques jours d’entraînement sont nécessaires. Quand il en « a fasciné » un nombre suffisant, il ouvre ses séances payantes. Naturellement il dresse ses sujets en vue des exhibitions publiques, et de manière à procurer de l’amusement en provoquant l’étonnement et surtout le rire. Je suppose même qu’il en a quelques-uns à sa suite ou à sa disposition qui servent d’appeaux pour les autres[1]. Toujours est-il que tous ceux qui, dans notre ville, se sont produits sur son théâtre, se connaissent tous. Ils forment une espèce de franc-maçonnerie ; ils ont tous le même répertoire peu étendu d’extravagances ; ils sont tous coulés dans le même moule. M. Ch…, qui en tient une bonne demi-douzaine sous sa domination, n’a pas — cela va de soi — cherché à les refondre dans un autre moule.
Ils sont intraitables, désobéissants, et ne se prêtent pas toujours à être réveillés. Il faut alors procéder par la surprise ou par la force. À l’un d’eux, A…, je fais voir l’autre jour, non sans peine, le portrait de son père ; il s’en empare à l’instant, et il n’y a pas eu moyen de le lui reprendre pour parfaire l’expérience ; il est allé le fourrer dans la poche de ma fille, avec recommandation expresse de ne pas le livrer (voir plus haut semblable aventure arrivée à la Salpêtrière). Au même, je suggère qu’il est dans une foule d’émeutiers, que les gendarmes font une charge ; à l’instant il se saisit d’une chaise pour jeter à la tête des gendarmes ou des émeutiers, je ne sais lesquels, et trois d’entre nous durent employer toute leur force pour la lui
- ↑ J’ai appris depuis du sujet B… qu’il en serait ainsi et qu’il hypnotiserait en présence des futures recrues un nommé Ramon qui l’accompagne.
