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Dire pourquoi, après trois ou quatre séances, je renonçai à mon idée, serait trop long et ne présenterait nul intérêt scientifique.

Le premier jour (18 janvier), après quelques essais infructueux, elle fut endormie par deux fois en huit minutes au moyen de la contemplation d’un point brillant. Chez elle, les paupières se mettaient à trembloter, exactement comme je l’avais vu à la Salpêtrière ; puis les yeux se fermaient d’eux-mêmes, et elle tombait en léthargie, c’est-à-dire dans cet état où les membres ne présentent aucune tonicité et prennent la position que leur imposent les lois de la pesanteur. Mais aucune trace d’hyperesthésie neuro-musculaire.

M. Masius et moi songeâmes naturellement à la faire tomber ensuite en catalepsie. Mais les deux fois, quand nous lui entr’ouvrîmes les paupières, elle s’éveilla.

Le lendemain elle fut hypnotisée cinq fois, dont trois fois par le regard. Les tentatives de la faire tomber en catalepsie ou en somnambulisme échouèrent, sauf la cinquième. Je venais de l’endormir en quatre minutes ; je lui passai légèrement la main sur le vertex en l’invitant à s’éveiller ; et voilà qu’après deux ou trois passes, elle ouvre enfin les yeux en leur donnant une expression de vague étonnement et de fixité dans l’infini qui ne nous permit pas de douter de notre succès.

J’avais donc fait une somnambule. À cette idée — qu’on me pardonne ce détail futile — j’éprouvai une émotion indicible. Ce fut avec une espèce de recueillement religieux que je lui donnai des hallucinations de la vue et de l’ouïe, et que je récoltai ses impressions. Je la fis assister à une représentation théâtrale : elle vit des fleurs et des oiseaux dont l’un vint se percher sur sa main ; elle s’en empara ; rentrée chez elle, elle trouva le souper servi, enferma son oiseau dans une cage, mangea une bouchée, puis monta à sa chambre pour se coucher.

Tout marchait à souhait et je me félicitais de pouvoir mettre mes projets à exécution. Malheureusement, la nuit de ce même jour, une malade qu’on venait d’amener, une vieille femme, fut prise de délire, sauta sur son lit, proféra contre elle des cris injurieux, et se livra dans la salle commune à des scènes scandaleuses. La brave fille en fut tellement terrifiée que le lendemain, quand nous voulûmes la faire passer du sommeil léthargique au somnambulisme, après une résistance notable, elle ton ba en une crise délirante, qui dura près de trois heures, et où l’image de la vieille femme occupait le premier plan.

À partir de ce jour, mille accidents vinrent se mettre à la traverse de nos expérience, sans compter les difficultés tenant à des pré-