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d’exécuter avec ce membre un mouvement précis. On lui disait de se boucher l’oreille gauche avec ses doigts : elle n’y réussissait pas ; sa main se portait sur un autre point du visage. Elle exécutait donc mal son mouvement, mais enfin elle en exécutait un. La paralysie même, qui est l’abolition ou la diminution de la contractilité des muscles par leur stimulant normal, n’est pas nécessairement l’ainésie, et le membre paralysé peut encore être mis sous l’action d’une cause artificielle.

Mais ici nous devons essayer de creuser davantage : il nous faut étudier de plus près les rapports spéciaux de la sensibilité avec chacune de ces deux formes inférieures de la motilité : le pouvoir excito-moteur musculaire et le pouvoir des réflexes. Que fait ici la sensation ? Est-elle antérieure à chacune de ces deux formes du mouvement ? En est-elle une condition ? Ou bien ne fait-elle que succéder à ces mouvements et contribue-t-elle simplement, par des sensations surajoutées, à faciliter la coordination qu’en fait la volonté ? C’est le même problème que tout à l’heure, mais étudié séparément dans chacune des deux difficultés spéciales qu’il enveloppe.

VI

Nous ne voulons pas exposer ici toutes les controverses auxquelles la question du sens musculaire a donné lieu ; il faudrait d’ailleurs pour cela un article spécial et assez long. Disons tout de suite que la difficulté n’est pas de savoir si nous avons la sensation du mouvement exécuté par nos divers membres. Il y a ici question jugée, nous le croyons, pour les physiologistes, pour les médecins, pour les psychologues. Chacun de nous a de son corps propre une perception vague, mais réelle, qui ne lui vient ni de la vue, ni du tact extérieur ; et cette perception lui fait connaître à peu près la position et l’état de ses divers membres par les accidents mêmes de leurs mouvements, par le degré de contracture et de relâchement de leurs muscles. Si l’on se borne à nommer ce sens sens du mouvement, encore une fois on ne soulève aucune objection. Ce sens est plus ou moins incertain, plus ou moins sujet aux illusions (comme les autres d’ailleurs) ; il a ses conditions d’exercice, qui peuvent manquer quelquefois ; il a ses régions obscures : il n’en existe pas moins. Mais ce mot, sens de mouvement, a deux synonymes qui ne sont pas tout à fait choisis au hasard et qui engagent déjà l’un et l’autre des questions plus délicates : ce sont les mots, sens de l’effort et sens musculaire. Le pre-