Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXII, 1886.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
118
revue philosophique

que l’incoordination des mouvements était liée à l’insensibilité cutanée ou musculaire qui laissait la motilité privée de tout avertissement et livrée en quelque sorte au hasard. Mais Trousseau[1] et d’autres cliniciens ont démontré par quelques exemples authentiques comment l’ataxie locomotrice peut exister sans aucun affaiblissement de la sensibilité.

En résumé, tout concourt à nous faire croire que la sensibilité et le mouvement ne varient pas absolument l’un comme l’autre et qu’ils ne sont jamais affectés dans les mêmes proportions.

III

Posons-nons maintenant une deuxième question : De ces deux modes de la vie, quel est celui dont les troubles ont le plus de gravité, et quel est celui dont les maladies, toutes choses égales d’ailleurs, se guérissent le plus aisément ?

Les faits cités plus haut et quelques autres que nous allons ajouter nous permettront de répondre avec la même précision.

Toutes choses égales d’ailleurs, ce sont les troubles de la motricité qui risquent d’être les plus profonds, les plus graves et les plus difficiles à guérir : c’est la sensibilité qui résiste le mieux et qui revient le plus fréquemment. Sans doute, nous l’avons vu, M. Charcot a observé plusieurs hémiplégiques chez lesquels l’anesthésie avait persisté, même après la restauration du mouvement ; et l’on peut rappeler à ce propos que déjà, au siècle dernier, les médecins citaient un malade qui, trois mois après avoir été frappé d’apoplexie, se trouvait encore en état d’anesthésie, bien que la motilité fût revenue chez lui[2]. Mais ce sont là, de l’aveu général, des cas tout à fait exceptionnels.

Remontons graduellement, comme nous l’avons fait tout à l’heure, des lésions périphériques aux lésions des parties centrales. Les observateurs qui font autorité sont pleinement d’accord. Le célèbre chirurgien américain Weir Mitchell[3] qui, lors de la guerre de sécession, fit des observations si nombreuses et si intéressantes sur les lésions des nerfs chez les soldats blessés, dit formellement : « Lorsque la motilité et la sensibilité sont affectées l’une et l’autre,

  1. Voyez Dictionnaire Jaccoud, art.  ataxie locomotrice par Trousseau.
  2. Voyez Charcot, Leçons, tom.  II, pag.  307.
  3. Voyez Weir Mitchell, Lésions des nerfs et leurs conséquences, trad. en français par Dastre, avec préface de Vulpian, Paris, 1874.