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à répondre aux sollicitations du dehors par des modifications qui lui sont propres ». Les réactions automatiques, ajoute-t-il, loin d’être la partie accessoire du phénomène, en sont au contraire l’élément essentiel et persistant, survivant aux autres réactions chez l’homme même, et seul saisissable chez les animaux. C’est donc à celui-là que doit s’attacher presque uniquement le physiologiste, puisqu’il étudie les phénomènes objectivement. Quant à la sensibilité avec conscience, autrement dit, au plaisir ou à la douleur, ce n’est là qu’une des formes, la plus élevée, si l’on veut, du phénomène : elle s’ajoute ou elle ne s’ajoute pas aux formes précédentes ; mais qu’elle se développe ou qu’elle s’efface, la sensibilité proprement dite ne disparaît qu’avec les réactions motrices de l’organisme, en un mot qu’avec la vie.

Si l’on prend ces définitions pour point de départ, la question des rapports de la sensibilité et de mouvement est plus que préjugée : elle est tranchée, ce semble, aux trois quarts, puisque la sensibilité n’est plus considérée que comme un mode du mouvement ou comme l’un des états par lesquels passe accidentellement la puissance active de l’être vivant.

Claude Bernard, il est vrai, paraît en d’autres endroits retourner sa définition et faire du mouvement un fait secondaire, postérieur à la sensibilité et issu d’elle. « En résumé, dit-il à la fin d’une de ses Leçons[1], s’il était prouvé que la volonté n’est qu’une transformation de la sensibilité, il faudrait arriver à cette conclusion, que tout mouvement a pour point de départ un phénomène de sensibilité, qui tantôt se passe à la surface encéphalique sous l’influence d’un souvenir, d’une sensation antérieure, d’une impression causée par l’afflux du sang ou par une autre cause, tantôt se passe à la périphérie du corps sous l’influence d’une excitation extérieure… L’anatomie, continue l’illustre physiologiste, donnerait un appui à cette manière de voir ; car à l’extrémité des nerfs de sensibilité périphérique on a trouvé, dans un très grand nombre de cas, des cellules nerveuses terminales analogues à celles qui se rencontrent dans l’encéphale. »

D’autres textes enfin nous ménagent, au moins dans les termes, une nouvelle contradiction : car ailleurs Claude Bernard dit formellement : « Le mouvement paraît donc indépendant de la sensibilité, et un membre insensible peut encore se mouvoir[2] ».

Au fond cependant, ces différentes définitions ou assertions sont moins contradictoires qu’elles ne le semblent. Si la sensibilité n’est

  1. Leçons sur le système nerveux (déjà cité), tom.  I, leçon xviii.
  2. ibid., tom.  I. leçon xiv, pag.  247.