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ANALYSES.w. wundt. Essays.

pas de sons. Le geste a un caractère psychologique aussi bien que la parole.

Engel, qui a étudié les gestes au point de vue de la diction, a négligé la classe si importante des gestes intermédiaires, ceux qui désignent un objet par une qualité (l’action de saluer signifiant homme, par exemple), ou qui empruntent au monde sensible un signe pour être le symbole d’une abstraction sans figure (ligne droite pour vérité, ligne oblique pour mensonge). Ces gestes, ces signes ont leur syntaxe. L’ordre logique y remplace la flexion comme dans le chinois ; le sujet y est d’ordinaire placé avant l’attribut, l’adjectif avant le substantif, etc. Le sourd-muet joint au geste des sons qu’il n’entend pas ; ces sons prendraient la primauté, si l’ouïe lui était rendue. Le langage sans sons est donc possible ; le langage articulé sans gestes ne l’est peut-être pas, parce que le fait de traduire nos états internes par des mouvements est une propriété plus générale que la parole.

Si nous revenons maintenant aux deux hypothèses, l’une qui réduit le langage au pur réflexe, l’autre qui le tient pour une invention géniale, nous les trouverons toutes deux insuffisantes. La dispute vient de ce qu’on laisse au terme de volonté sa signification populaire.

La théorie des réflexes ne permet pas de concevoir la volonté comme un fruit de la réflexion ; la réflexion arrive longtemps après que le premier pas dans la voie du langage a été fait. D’ailleurs le langage, parce qu’il est communicatif, se distingue du pur réflexe, lequel reste indépendant de toute réception par autrui. La théorie des réflexes exigerait secondairement la réflexion ; mais le signe ne manifeste-t-il pas immédiatement l’idée de communiquer ? La volonté précède le choix, voilà ce qu’il faut bien voir ; elle est une manifestation immédiate de la conscience. Le langage, par conséquent, est une action volontaire liée au procès intime de la pensée ; dans le langage, la volonté individuelle passe les bornes du moi et s’associe à la volonté de l’espèce.

Si le langage manque aux animaux, remarque Wundt, c’est qu’il leur manque cette forme supérieure de l’action volontaire, ce Denken, qui est de même espèce que le langage. On s’est étonné encore, ajoute-t-il, de la diversité des langues. Le langage se développe, en effet, sous la condition générale de la logique ; mais il obéit d’abord à des lois psychologiques, qui souffrent des variétés.

L’école anglaise veut expliquer par l’association toutes les formes de l’activité intellectuelle. L’association n’est pourtant pas identique au Denken ; elle fortifie seulement les impressions sensibles qui sont le matériel de la pensée. Les lois de la pensée ne sont pas celles de l’association. Chez l’aliéné, les associations qui se présentent troublent le cours de la pensée, faute d’être maîtrisées par la volonté ; et de plus, l’association paraît sans règle, tandis que l’évolution du langage démontre les lois de l’activité intellectuelle. La variété des langues n’empêche pas que cette évolution offre des traits généraux. Et, par exemple cette représentation : la maison brûle, est assurément entière dans la con-