Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXII, 1886.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
ANALYSES.w. wundt. Essays.

raison d’être dans le besoin que ces sciences ont l’une de l’autre, et la dépendance où elles sont entre elles exige des concepts généraux, qui forment l’objet d’une métaphysique. De la métaphysique se détachent, comme répondant à des aspects particuliers du contenu du monde, l’éthique et l’esthétique, et ce sont là les trois formes supérieures de la connaissance humaine. Mais cette connaissance, ajoute Wundt, est aussi quelque chose qui se fait. Il nous faut donc une science qui complète la métaphysique, et ce sera la logique, en tant que théorie de la connaissance, ou étude des conditions, des fondements et des limites de notre savoir.

La grande autorité de l’auteur ne peut sauver ce plan, à mon avis, de quelques corrections. Si le bien et le beau sont deux aspects du monde, les sciences qui y répondent sont d’abord les sciences du sujet même qui a créé ces aspects. Je poserais donc la psychologie, assise sur la physiologie, comme science générale, et la logique, l’éthique et l’esthétique seraient l’étude, prise par le détail, de la même activité psychique considérée eu égard à ses objets. Quant à la métaphysique, elle reste cette vue de l’esprit qui dépasse les données positives, ou plutôt qui les interprète pour en composer un système d’ensemble. Aux systèmes proposés par la métaphysique s’applique maintenant cette fonction proprement philosophique, qui est de critiquer et de classer les résultats de toute recherche spéciale au point de vue de la certitude. Il me paraît que ces résultats peuvent être classés en trois groupes concentriques, celui des faits acquis, celui des hypothèses positives, et celui des hypothèses arbitraires ou merveilleuses, où nous reléguons aujourd’hui, d’ordinaire, les théodicées avec les métaphysiques. En tout cas, cette critique supérieure dont Wundt comprend toute la valeur ne saurait plus s’entendre au sens kantien d’une théorie de la connaissance. Elle ne s’inspire plus d’à priori avoués ou cachés, elle s’instruit des sciences spéciales, principalement de la psychologie, et nous avons ici la raison de ce fait que la philosophie, après avoir été d’abord tout le savoir, se confond de nos jours, en quelque sorte, avec les sciences du sujet. Elle est pourtant quelque chose d’autre qu’elles ; mais elle ne peut marcher sans elles, ni remplir sans leur appui immédiat cet office de haute discipline intellectuelle que, d’accord enfin avec Wundt, si je ne me trompe, je lui ai attribuée.

La théorie de la connaissance, entendue comme Wundt le fait peut-être, quelquefois, sous l’influence de Kant, n’est pas une science à part ; elle n’est qu’une suite de problèmes particuliers dont la solution dépendrait d’éléments étrangers. Les deuxième et troisième essais de ce volume portent précisément sur des problèmes de cet ordre, l’unité de la matière et l’infinité du monde.

La théorie de la matière est une pierre de touche, écrit Wundt, pour l’état général de la science. Les Grecs pensent les éléments matériels comme des qualités, et ils prennent l’une ou l’autre de ces qualités pour principe explicatif (le nombre de Pythagore). Mais l’échange des quali-