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De même l’idéal d’un être suprême possède la seule réalité d’une idée de la raison pure. Si Kant ne met pas en doute la nécessité subjective d’un tel idéal, sa possibilité objective est encore éloignée, et plus encore sa réalité objective. Toutefois la critique réussit à prouver la possibilité, et elle ouvre le chemin pour atteindre à l’objet même, grâce à la distinction fondamentale du sensible et l’absolu.

« Après la preuve donnée par la critique, conclut M. Romundt, que l’idéal d’un être suprême et réel dans la raison humaine est fondé, et que la nature, seule donnée dans la raison, laisse assez d’espace pour un objet de l’idéal, la métaphysique au haut sens platonicien n’est plus nécessairement une science sans objet, comme pouvait le penser encore en 1845 l’historien de la philosophie Lewes, à la faveur du pitoyable scandale de la philosophie néo-kantienne. Une science de l’objet de l’idéal ne doit donc pas nécessairement être moins vraie que la mathétique et la science de la nature, et l’on ne voit pas pourquoi les hommes sérieux la déserteraient dans les siècles à venir » (p. 219).

Le criticisme se flatte d’avoir faite viable la conception de Parménide d’Élée et de réconcilier finalement la métaphysique avec la théologie. M. Romundt ne place pourtant pas, il convient de le rappeler, la métaphysique sur le pied des sciences objectives ; il est philosophe en conscience, et même quand il déclare la parenté de l’entreprise de Kant avec celle de Jésus. Un autre écrit de lui porte ce titre significatif : La restauration de la doctrine de Jésus par la réforme philosophique de Kant. Il appartient donc à cette classe des religieux protestants qui poursuivent encore l’alliance toujours manquée de la science avec la théologie chrétienne. Ils appellent à eux des alliés, Kant ou tel autre, qui peut-être se récusent, et ils s’en tiennent à une argumentation que leur zèle ardent ne réussit pas à rajeunir.

Lucien Arréat.

C. Thiaucourt. Essai sur les traités philosophiques de Cicéron et leurs sources grecques. Paris, Hachette, 1885.

M. Thiaucourt a rendu un signalé service à tous ceux qui s’occupent de l’histoire de la philosophie ancienne, surtout de l’époque postérieure à Aristote. Comme les livres originaux de cette période ont presque tous disparu, et qu’il faut se contenter d’ouvrages de seconde main, de renseignements épars chez divers écrivains quelquefois inintelligents ou inexacts, une question préalable s’impose à l’esprit de celui qui veut faire usage de ces documents : à quelle source sont-ils puisés ? Quelle en est l’origine ? et, par suite, quelle confiance méritent-ils ? Il faut répondre à cette question, si l’on veut que l’histoire de la philosophie ait un fondement solide, qu’elle soit une véritable science. Mais le problème est obscur et épineux : et on ne parvient à le résoudre, quand on y parvient, qu’au prix de longues et pénibles recherches.