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société de psychologie physiologique

ment aux centres moteurs, sans passer par la région du moi proprement dit, l’acte, tout en restant conscient, devient automatique.

C’est ce qui a lieu, à l’état normal, pour certains actes à la fois conscients et involontaires, tels que l’éternuement, le vomissement, etc.

C’est ce qui a lieu, à l’état pathologique, pour les actes dits impulsifs ; certains malades ont conscience d’une force extérieure qui commande un acte dont ils ne se sentent pas responsables et contre lequel ils se révoltent.

Les impulsions qui, au contraire, naissent dans la sphère du moi ou lui sont finalement incorporées, tout en gardant leur caractère pathologique, revêtent la forme des volitions normales. Les malades les revendiquent, les justifient, prétendent avoir agi librement et acceptent toute la responsabilité de leurs actes.

Des différences analogues s’observent dans les cas inverses où la volonté paraît être empêchée ou paralysée. Lorsqu’un individu n’agit pas, son inaction peut être due à trois causes principales :

1o Le défaut de désir, de mobile ;

2o L’impuissance à agir ;

3o Un empêchement extérieur.

Un individu reste dans son lit parce qu’aucun désir ne le porte à se lever ; un autre parce qu’il est paralysé ; un troisième parce qu’il y est maintenu par des liens.

Les malades décrivent très nettement des situations psychopathiques qui peuvent se ranger sous ces trois chefs.

Des mélancoliques n’agissent pas, parce que rien ne les touche, rien ne les attire, rien ne les émeut ; ils n’éprouvent plus aucun sentiment humain et n’ont plus aucun motif d’agir.

D’autres sont dominés surtout par un sentiment d’incapacité. Tout leur est impossible, ils ne sont plus en état d’accomplir l’acte le plus simple ; ils le voudraient, mais ils en sont incapables.

D’autres enfin voudraient agir, ils le pourraient, mais ils sentent un pouvoir extérieur qui les arrête, contre lequel ils se révoltent et luttent le plus souvent sans succès.

Les malades appartenant aux deux premières catégories placent en eux-mêmes — dans leur moi proprement dit — l’origine de leur mal.

Ils sont déchus, indignes, incapables, ils s’accusent et assument la responsabilité de leur inaction. Pour les malades du troisième groupe, l’empêchement vient des régions extérieures au moi. C’est le monde extérieur qu’ils accusent.

La distinction d’un moi et d’un non-moi dans les fonctions psychiques ne jette-t-elle pas quelque lumière sur ces faits si ordinaires en pathologie mentale ? Ne sommes-nous pas conduits à établir une distinction entre l’aboulie dont l’origine est dans le moi et l’inhibition qui vient du non-moi ?

Les manifestations terminales se ressemblent beaucoup, il est vrai ; en les considérant exclusivement, on est porté à tout confondre.