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société de psychologie physiologique

instant, on remarqua les contractures du bras, chaque fois que la main de T… frôlait le membre. En quinze ou vingt secondes, la femme parut avoir passé du sommeil naturel au sommeil magnétique.

Les symptômes physiologiques étaient très nettement accusés : convulsion des pupilles en haut, hyperesthésie, immobilité cataleptique des membres dans la situation où on les plaçait.

Les manifestations psychologiques ne furent pas moins remarquables. Suractivité de la mémoire, acuité des sens augmentée ; rien n’y manqua. Toutefois, je ne relaterai pas cette observation, qui ressemble à toutes les histoires maintes fois racontées de somnambules dites lucides.

Après une séance assez prolongée, T… fit les passes de réveil sur la partie supérieure du corps. La femme ouvrit les yeux et étendit les bras. Mais lorsqu’on lui donna ordre de se lever pour partir, elle sembla paralysée des jambes. Enfin T… la réveilla complètement et elle put se lever.

La femme avait été bien réellement endormie inconsciemment. Elle avait perdu la mémoire de ce qui s’était passé, et, faisant allusion aux dernières passes, pratiquées sur les jambes, elle demandait : « Qu’est-ce qu’il me voulait, celui-là ? »

Depuis cette époque, et à plusieurs reprises, la femme fut endormie par les mêmes procédés. Elle ne voulait pas consentir à être magnétisée, se refusant à servir de jouet aux étudiants. On prenait alors le parti de la laisser livrée à elle-même, sans lui adresser la parole. Comme elle était fort illettrée, et n’avait aucun goût pour aucune occupation, elle s’endormait sur un fauteuil. Lorsqu’elle était enfin plongée dans son sommeil naturel, ou qu’on la supposait telle, on pratiquait les passes, et on la faisait entrer dans un sommeil somnambulique, parfaitement caractérisé.

J’ai, depuis cette époque, essayé les mêmes manœuvres sur divers sujets qui étaient dans le sommeil naturel. Je n’ai pas obtenu les résultats précédents ; mais je puis affirmer que je suis arrivé fréquemment à produire quelques effets, comparables à ceux qui se produisent chez les sujets qu’on magnétise pour la première fois : contractures ; mouvements semblables à ceux que fait le malade pour s’arracher aux inhalations chloroformiques, sans ouvrir les yeux ; lourdeur de tête, qui se dissipe promptement par quelques passes, dites de réveil, etc.

Dr Bonnassies.

DE L’ABOULIE ET DE L’INHIBITION EN PATHOLOGIE MENTALE[1]

Parmi les diverses questions abordées dans le travail de M. Langle sur l’inhibition[2], il en est une qui me paraît mériter une attention parti-

  1. Séance du 19 avril 1884. M. Charcot, président.
  2. De l’action d’arrêt ou inhibition dans les phénomènes psychiques. Thèse Paris, 1886.