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blanche. J’ai vu le poulet en sauce blanche, dépecé, et j’ai mis le doigt sur l’os du pilon, sortant des chairs.

Le mécanisme psychique au moyen duquel se produit l’hallucination suggestive est fort mystérieuse. Voici ce que j’en puis dire. Le premier sentiment qui se réveille dans l’esprit du hachisché est de protester contre les injonctions dont il est l’objet. — Ce verre d’eau, pense-t-il, est de l’eau, et non pas du vin. Mais, avant même qu’il ait formulé cette phrase, dans sa pensée, l’illusion s’est produite malgré lui ; et il la subit. Toutefois l’illusion est de très courte durée. Pour qu’elle se continue, il faut que l’assistant renouvelle ses intimations d’une façon constante. Par une série de suggestions, on maintient le hachisché en état permanent d’hallucination.

Le mécanisme fonctionnel est plus mystérieux encore.

J’ai éprouvé l’aura. Toute hallucination, spontanée ou provoquée, s’accompagne d’une aura, c’est-à-dire de la sensation d’une sorte de vapeur qui monte des pieds vers la tête. Au fur et à mesure que monte l’aura, le visage s’épanouit, le cœur se dilate. Quand l’aura a gagné la tête, l’hallucination est en son plein. Lorsqu’elle redescend, une sorte de tristesse et d’inquiétude envahit l’esprit. Après que l’aura a quitté le corps, le hachisché rentre dans son état ordinaire.

Les poussées de l’aura se produisent pendant toute la durée de la période d’excitation. Elles vont en augmentant de fréquence et de durée, jusqu’à ce qu’elles soient, pour ainsi dire, les unes sur les autres (ce qui rappelle la marche des épilepsies graves). Au déclin de la période d’excitation, les poussées de l’aura se ralentissent et finissent par disparaître. La suggestion reste sans effet, et les hallucinations qui se produisent encore (pendant des jours, des semaines et quelquefois des mois) se produisent sans aura perceptible.

Dr Bonnassies.

DE LA POSSIBILITÉ DE FAIRE PASSER UN SUJET DU SOMMEIL ORDINAIRE AU SOMMEIL MAGNÉTIQUE.

Pendant l’été de 1854, plusieurs étudiants en médecine se trouvaient réunis dans un appartement de la rue de l’Est, habité par l’un d’eux, à Paris. Les étudiants travaillaient silencieusement, une table, ne prêtant nulle attention à une femme, profondément assoupie non loin de là, sur un fauteuil.

À ce moment, entra T… (le docteur Tainturier qui fut maire de Dijon, et mourut il y a un an à peine).

À cette époque, T… avait un peu la manie de magnétiser toutes les femmes qu’il rencontrait. Il vit celle-ci endormie, et commença à pratiquer sur elle des passes magnétiques, d’une seule main, d’après la méthode dite de Deleuze, ou de Puységur. Au bout d’un très court