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Léviathan pour défendre Cromwell et d’avoir ainsi abandonné son roi dans la détresse. La réplique de Hobbes, publiée en 1662, fut telle que Wallis garda le silence. Mais la querelle continua sur les questions mathématiques et physiques jusqu’aux dernières années de la vie de Hobbes.

Cependant Hobbes était rentré en grâce auprès du roi et avait même obtenu une pension qui cessa bientôt, il est vrai, de lui être payée. Il se vit attaqué par tous ceux qui s’efforçaient de le rendre responsable, sous prétexte d’athéisme, de la conduite licencieuse du roi et de la cour. Il composa alors ses derniers ouvrages, assez remarquables, dit M. Robertson, pour un homme de son âge, sans toutefois les publier. Il s’amusa à écrire, âgé de quatre-vingt-quatre ans, son autobiographie en latin, il traduisit l’Odyssée et l’Iliade, et mourut en 1679.

Nous avons essayé de reproduire d’une manière bien incomplète ce que M. Robertson nous a fait connaître de la vie et des œuvres de Hobbes. On a souvent, et d’une manière bien inexacte, exposé et apprécié son système. On ne peut le comprendre qu’en le replaçant, comme l’a fait M. Robertson, au milieu des circonstances mêmes qui l’ont vu naître. Nous avons insisté sur cette partie de l’ouvrage de M. Robertson, parce qu’elle nous a semblé éminemment propre à éveiller l’attention de nos lecteurs et à leur donner le désir d’étudier l’ouvrage lui-même. La doctrine de Hobbes y est magistralement et fort exactement exposée ; les protestations qu’ont fait naître ses doctrines y sont soigneusement indiquées ; l’influence exercée par Hobbes, en Angleterre et ailleurs, y est étudiée avec beaucoup d’exactitude : l’auteur cite même la traduction par Destutt de Tracy de la « Computatio sive Logica » dont l’existence semble inconnue à la plupart des historiens français. Nous n’aurions qu’une réserve à faire, ou plutôt qu’une question à adresser à M. Robertson : elle porterait sur les rapports de Hobbes et de Gassendi. M. Robertson croit que Gassendi n’a exercé aucune influence sur Hobbes ; il nous semble qu’on pourrait soutenir l’opinion contraire, mais il faudrait, pour le faire, entrer dans des détails qui nous mèneraient trop loin, et la question est d’ailleurs une des moins importantes de toutes celles qu’a abordées et traitées M. Robertson.

En résumé, M. Robertson nous a donné sur Hobbes un ouvrage qui nous semble définitif : les origines, la formation, le développement, l’influence de la doctrine, les luttes qu’elle a provoquées ont été exposés par lui avec une exactitude, une clarté et un talent remarquables. Nous en recommandons vivement la lecture à tous ceux qui veulent étudier une philosophie plus critiquée que connue, à ceux même qui ont lu le remarquable travail M. de Rémusat et entendu les leçons malheureusement inédites de M. Janet sur le philosophe anglais. Nous souhaitons enfin qu’un éditeur intelligent se décide à publier la traduction d’un ouvrage qui pourrait être lu avec plaisir et profit par