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ANALYSES.g. c. robertson. Hobbes.

sous la direction de William Knight, professeur de philosophie à l’université de Saint-André, vient de s’enrichir d’un nouveau volume qui ne le cède en rien aux meilleurs de ceux qui ont déjà paru. M. G. C. Robertson, le directeur du Mind, a pu consulter les manuscrits de Hobbes que possède le duc de Devonshire ; il a mis à profit tous les travaux de quelque importance qui ont été faits sur la philosophie de Hobbes depuis le XVIIe siècle jusqu’à nos jours. Il a utilisé avec soin tous ces matériaux et nous a donné une œuvre fort bien composée, et d’une lecture très facile.

L’ouvrage comprend 10 chapitres : I. La jeunesse, Oxford (1588-1608) ; II. Le scholar (1608-28) ; III. Le philosophe (1628-37) ; IV. Les projets philosophiques (1637) ; V. La révolution (1637-51) ; VI. Le système ; VII. Les discussions (1651-78) ; VIII. Les dernières années (1658-79) ; IX. Anti-Hobbes ; X. L’influence.

M. Robertson a donné une grande place à la vie de Hobbes et aux événements auxquels il s’est trouvé mêlé, car pour Hobbes plus que pour tout autre philosophe, on y trouve la clef qui permet d’interpréter sa pensée. Nous essayerons d’indiquer brièvement quelques-uns des points sur lesquels il nous a fourni les renseignements les plus intéressants.

Thomas Hobbes, né prématurément le 5 avril 1588, à la suite de la panique causée par l’invincible Armada, fut mis à l’école dès l’âge de quatre ans. À six, il apprenait le latin et le grec ; sous la direction de Robert Latimer, il fit de tels progrès qu’avant l’âge de quatorze ans il était en état de traduire, en vers latins iambiques, la Médée d’Euripide. À quinze ans, il alla à Oxford ; il y passa cinq ans avant de prendre le diplôme de bachelier. Il y régnait alors un grand désordre, et Hobbes semble en avoir conservé longtemps un fort mauvais souvenir qui explique ses accusations violentes contre le système universitaire. Il prit peu de goût à la logique et à la physique de ses maîtres : ses attaques contre la scolastique montrent qu’il la connaissait assez peu. Il ne semble pas non plus qu’il se soit mis alors à penser par lui-même, comme le fit Descartes à la Flèche.

Les vingt années qui suivent constituent une période à part dans la vie de Hobbes. Il accompagna sur le continent le fils aîné de William Cavendish. Il vit la France, l’Allemagne et l’Italie. Les découvertes récentes de Képler et de Galilée ne paraissent pas avoir produit sur lui une impression bien vive : il trouva partout la scolastique abandonnée, excepté par les universités et les jésuites, la philosophie traitée légèrement et souvent confondue avec la scolastique. Il adopta les opinions dominantes, et, de retour en Angleterre, il se tourna du côté de l’érudition. Il lut, dans les loisirs que lui laissait sa situation de secrétaire, les poètes et les historiens classiques ; il étudia leurs commentateurs ; il s’appliqua à acquérir en latin un style clair et facile, en adaptant les mots aux pensées. Il ne semble pas qu’il lut Platon et Aristote ; mais il eut, parmi les historiens, une préférence marquée pour Thucydide.