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lyser et ce moyen éveiller ou stimuler l’action de cette cause profonde, née par répétition d’une cause pareille et antérieure, cette action se montre toujours plus efficace qu’on ne l’avait cru. J’allume avec une allumette un bec de gaz devant un écran poli ; devant cet écran, la lumière renforcée est plus vive, derrière il y a obscurité. La cause de cette obscurité et de ce renforcement lumineux, dira-t-on, c’est l’écran ; mais cette obscurité n’est qu’un non-effet, et ce renforcement lumineux n’est que la rétrogradation du rayon réfléchi, effet de la première vibration lumineuse émanée du bec de gaz et seule vraie cause d’après moi. L’effet produit, le rayonnement, est resté le même nonobstant l’écran ; et si celui-ci a agi, c’est par la rencontre des vibrations moléculaires qui le constituent avec les ondes de l’éther vibrant. Ces deux causes se sont fait obstacle sans d’ailleurs s’empêcher d’agir ; et il faut ajouter que, si les atomes éthérés ont propagé la vibration communiquée par le phosphore frotté de l’allumette et lui ont servi de moyen, non d’obstacle, c’est qu’eux-mêmes vibraient comme les molécules de l’écran, mais d’une autre manière. Ici tout se résout en causalités-répétitions, parce que tout s’éclaircit. Quant à savoir pourquoi, telles vibrations lumineuses frappant notre nerf optique, la sensation d’une couleur se produit en nous, le dise qui pourra. Ici rien n’est clair, aussi la causalité-condition a-t-elle beau jeu pour se retrancher. Mais, heureusement, il n’en est pas de même en histoire. Par exemple, une excellente condition de développement pour le christianisme nouveau-né a été l’unité politique du monde méditerranéen régi par Rome. Se croira-t-on autorisé par là à dire que l’empire romain est la cause ou l’une des causes de la propagation chrétienne ? Mais la cause de la propagation chrétienne, nous le savons à n’en pas douter, c’est l’intensité de foi et d’espérance posthumes suggérées par le Christ à ses disciples, puis à leurs néophytes et à tous les fidèles imitateurs de Jésus ou de ses imitateurs, comme la cause des conquêtes de Rome et de l’empire romain a été le patriotisme vivace des premiers citoyens romains, traditionnellement et fidèlement transmis à leur postérité pendant des siècles avec toutes les superstitions, toutes les institutions et tous les préjugés de leurs aïeux. Je vois là deux causes, deux grandes causes, dont les effets ont fini par se rencontrer et par donner lieu, ici comme ailleurs, à ce rapport des conditions aux conditionnés, dont le mystère a été fatal au progrès de toutes les sciences.

Revenant à M. Mougeolle, je conclus que son livre n’en est peut-être pas un, mais que ce recueil de notes est intéressant et donne beaucoup à réfléchir.

G. Tarde.

George Croom Robertson. Hobbes, 1 vol.  in-8o. William Blackwood and Sons, Edinburgh and London, 1886.

La collection des Philosophical Classics for English Readers, publiée