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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Paul Mougeolle.Les problèmes de l’histoire (Reinwald, 1886), in-8o, Paris.

M. Mougeolle, déjà connu par un ouvrage dont nous avons rendu compte, la Statique des civilisations, a un mérite rare que nous nous plaisons d’abord à lui reconnaître : il désoriente souvent son lecteur, mais il ne l’ennuie jamais. C’est une preuve de modestie, ce me semble, chez un philosophe ; car il faut avoir une bien haute opinion de ses idées pour se croire le droit de les présenter sous une forme insipide. Cela dit, il m’en coûte d’ajouter qu’il a infiniment plus de liberté que d’ordre dans l’esprit, et peut-être même plus d’indiscipline que de liberté. Par exemple, le titre de son nouveau livre, les Problèmes de l’Histoire, est fort bien choisi, car les questions y abondent beaucoup plus que les solutions. Grand admirateur de Montesquieu, il ne lui emprunte pas seulement sa théorie des climats, en la rajeunissant, mais encore son allure d’esprit-frelon, aussi voltigeant qu’incisif, sa légèreté pénétrante, très française d’ailleurs. Il ne paraît pas s’être préoccupé le moins du monde de se poser cette question préliminaire et capitale : en quoi consiste le caractère social d’un fait ? Il a aussi complètement oublié d’esquisser même la moindre classification des faits sociaux. De là ses digressions à chaque instant hors de son sujet. Sa table pourtant donnait l’idée d’un ouvrage assez bien ordonné : première partie, les faits ou la matière du drame ; deuxième partie, les hommes ou les acteurs du drame ; troisième partie, le milieu (entendez le milieu physique, la nature extérieure) ou l’auteur du drame. Voilà qui est clair. Mais, en premier lieu, que nous apprend-on au sujet des faits sociaux séparés de leurs agents et de leur cause soidisant supérieure ? On prétend formuler les lois qui règlent : 1o la relation de ces faits entre eux ; 2o leur relation avec le temps ; 3o leur relation avec l’espace. Sur le premier point, on nous enseigne qu’il doit y avoir équivalence pleine et entière entre les faits sociaux qualifiés causes et les faits sociaux qualifiés effets ; sur le second, que les faits sociaux forment une série non pas circulaire, mais progressive, et que ce progrès consiste en une différenciation croissante ; sur le troisième, que la civilisation va des terres hautes aux terres basses dans le sens