Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/645

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
641
REVUE GÉNÉRALE.paulhan Travaux sur la morale.

doctrine de Comte doive être abandonné ou modifié. S’il faut l’abandonner, quelque nombreuses et importantes que puissent être les vérités séparées et les suggestions que l’on peut trouver dans chaque partie des ouvrages de Comte, sa philosophie, comme ensemble, doit être abandonnée aussi. D’après ce que j’ai lu des ouvrages des disciples zélés et clairvoyants de Comte, je suis disposé à penser qu’ils seraient prêts à accepter ce résultat. Maintenant la position de Comte a été généralement attaquée, si l’on peut s’exprimer ainsi, par derrière, c’est-à-dire par ceux dont les vues s’accordaient le plus avec sa première doctrine exposée dans la Philosophie positive, et qui le regardaient comme abandonnant le vrai positivisme, quand il admettait une synthèse philosophique ou religieuse, subjective ou objective, relative ou absolue. C’est ainsi qu’il fut attaqué par Littré, le plus éminent de ses disciples français, et c’est ainsi aussi qu’il fut critiqué par Mill et Lewes qui, sans être à proprement parler ses disciples, acceptaient beaucoup des principales idées de son premier ouvrage. S’il y a quelque nouveauté dans les critiques que contiennent les pages suivantes, c’est que ces critiques partent d’un point de vue opposé et cherchent à montrer que la vraie synthèse de la philosophie doit être aussi bien objective que subjective et qu’il ne peut y avoir une religion de l’humanité qui ne soit en même temps une religion de Dieu. Et cela veut dire qu’il est logiquement impossible de dépasser le positivisme purement individualiste, si l’on n’admet pas que l’intelligence de l’homme est ou suppose un principe universel de savoir. Les mêmes arguments, en fait, qui empêchent de séparer complètement un homme d’un autre homme, empêchent aussi de séparer complètement l’homme de la nature ; car si l’humanité doit être considérée comme organiquement unie, il devient impossible de ne pas reconnaître dans la nature des relations essentielles avec l’homme qui fait d’elle, en quelque sorte, une partie du même organisme. »

III

M. Sorley a consacré un volume à l’examen et à la critique de la morale du naturalisme qu’il étudie sous toutes ses formes. Il passe d’abord en revue les formes individualistes de cette morale : l’égoïsme, l’utilitarisme, la théorie du sentiment moral ; dans la deuxième partie vient l’appréciation de la morale évolutionniste qui tient une grande partie du volume, l’auteur termine son livre par quelques pages sur la base de la morale.

M. Sorley n’accepte aucune des formes de la morale naturaliste, il en montre les défauts dans des discussions nombreuses, minutieuses et par des arguments souvent fort justes. Ce n’est pas qu’il repousse absolument la théorie de l’évolution, mais il croit que le point de vue empirique auquel se placent généralement les partisans de cette doctrine les empêche de fonder une morale acceptable. Il arrive à cette