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cause de l’ardeur et de la force de ses propres sympathies sociales, il nous a donné une sorte de connaissance des maux et des besoins de la société moderne que nous ne pouvions attendre de Kant, et qui jette une nouvelle lumière sur les spéculations éthiques des successeurs idéalistes de Kant. »

M. Caird s’attache dans le cours de son livre à montrer chez Comte ces contradictions qui résultent de sa position dans le temps et de certaines manières d’être de son esprit. « Le défaut de Comte, dit-il, est de n’être pas suffisamment métaphysicien, son analyse de sa propre pensée était imparfaite, et il était par suite l’instrument d’un mouvement de l’intelligence humaine de la signification duquel il n’eut jamais une conscience nette. Autrement, il aurait compris que son état positif n’était pas simplement une négation des états métaphysique et théologique qui le précédèrent et un retour au fait et à l’expérience, mais qu’il était essentiellement une nouvelle interprétation de l’expérience qui impliquait par conséquent une nouvelle forme de métaphysique et de théologie. » Et à d’autres endroits, l’auteur montre ou tâche de montrer une contradiction entre le point de départ individualiste de Comte et ses théories finales socialistes en un sens et opposées à l’individualisme de Rousseau. Il critique encore d’une manière intéressante les vues de Comte sur le développement de la métaphysique et de la science et d’autres points du positivisme à propos desquels je n’insisterai pas. Mais je voudrais citer une page de l’introduction dans laquelle M. Caird établit d’une manière claire la position philosophique de Comte, celle de ses disciples orthodoxes ou hétérodoxes et celle où il se place lui-même pour examiner le positivisme.

D’après M. Caird, ce qui distingue surtout Auguste Comte des penseurs modernes dont les idées générales concordent assez avec celles qu’il a défendues dans une grande partie au moins de son premier ouvrage, et qui appartiennent à ce qu’on a nommé le positivisme et l’agnosticisme, c’est que Comte ne s’en tient pas à la négation de la métaphysique et de la théologie, mais qu’il recommence les deux en leur donnant une nouvelle forme. Le grand intérêt de la philosophie de Comte, c’est la tentative qu’il fait pour donner une satisfaction nouvelle à ces besoins élevés de l’humanité que la religion et la métaphysique avaient été longtemps chargées d’apaiser et que l’agnosticisme refuse de reconnaître ou déclare impossibles à satisfaire. Dieu, le Dieu absolu a disparu, mais sa place a été prisé par l’Humanité conçue comme un grand être qui soutient et contrôle la vie de l’homme individuel et dans lequel celui-ci trouve un suffisant objet pour sa dévotion.

Une brève esquisse du système de Comte suffit pour « montrer où est le nœud vital de la philosophie de Comte ». Il est dans l’idée d’une « synthèse subjective » d’un centre relatif du savoir. Cette idée pour les comtistes est articulus slantis vel cadentis philosophiæ. « Si ce principe central peut être défendu, sûrement, il importe peu au positivisme orthodoxe qu’un nombre quelconque des éléments subordonnés de la