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REVUE GÉNÉRALE.paulhan Travaux sur la morale.

13. Sentiment primaire de respect.

Tendances supérieures. Cette échelle des tendances a pour but, d’après l’auteur, de montrer quel est le devoir de l’agent moral dans le cas où il a à choisir entre deux d’entre elles, mais elle n’indique nullement la valeur comparative^des différentes tendances dans la vie humaine, considérée comme formant un ensemble. Pour déterminer ceci, un autre facteur que la qualité doit être pris en considération, c’est la fréquence. M. Martineau examine encore d’autres questions secondaires, se rapportant au sujet de son étude, les conséquences de nos actions, les tendances composées, et la conscience que nous en avons, etc. ; il formule ainsi sa définition du bien et du mal (Right and Wrong) dans les actions de l’homme : une action est bonne quand, malgré la concurrence d’une tendance inférieure, elle est déterminée par une tendance supérieure ; elle est mauvaise quand, malgré la concurrence d’une tendance supérieure, elle est déterminée par une tendance inférieure.

Je n’essayerai pas ici de critiquer la théorie de M. Martineau, encore moins de la défendre. Comme je suis de ceux qui n’admettent pas le point de départ de l’auteur, une discussion serait forcément ou trop longue ou trop incomplète. D’ailleurs, quelque long qu’il soit, le livre dont j’ai résumé quelques parties, ne me paraît pas d’une importance capitale, et ce qui m’a paru le plus intéressant dans la partie dogmatique, la classification des tendances au point de vue de la psychologie et de la morale, me semble bien insuffisant encore.

II

On s’occupe peu en France de la philosophie sociale et de la religion de Comte en dehors de l’Église positiviste. L’abandon de Littré, l’exposition peu bienveillante et les critiques de Stuart Mill ont sans doute contribué à écarter les esprits des dernières productions du fondateur du positivisme. M. Caird, professeur à l’université de Glasgow, vient de réunir en un volume quelques articles publiés d’abord par la Contemporary Review, sous le titre : « The social philosophy and religion of Comte ». Tout en critiquant sévèrement les doctrines de Comte, M. Caird n’en professe pas moins une grande estime pour ce philosophe, qu’il rapproche à certains égards de Kant. Comme Kant, Auguste Comte est pour M. Caird une sorte d’intermédiaire entre le vieux monde et le nouveau, et cette situation le fait tomber dans l’inconséquence. « Comte, à la vérité, avait seulement une petite portion de cette puissance d’analyse spéculative qui caractérisait son grand prédécesseur, mais il avait beaucoup de sa ténacité de pensée et de son pouvoir de construire continuellement ; il avait la même conviction de la haute importance de la morale, et la même détermination à subordonner toutes les études théoriques à la solution du problème moral. Aussi, en partie parce qu’il vivait à une époque postérieure et au milieu d’une société qui était dans les angoisses d’une révolution sociale, et en partie à