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REVUE GÉNÉRALE.paulhan Travaux sur la morale.

L’autorité de la conscience ainsi admise : « tout ce qu’est l’autorité de la raison à l’égard du vrai, dit M. Martineau, l’autorité de la conscience l’est aussi à l’égard du juste et du bon », il s’agit de donner des règles générales de conduite. Au point de vue où l’auteur se place, la chose la plus importante était évidemment de dresser une hiérarchie morale des tendances. C’est ce qu’il a essayé de faire. « S’il est vrai, dit-il, que chaque jugement isolé de bien et de mal prononce qu’une impulsion est d’une plus grande valeur morale que celle qui lui fait concurrence, chaque impulsion doit à son tour avoir sa valeur relative déterminée par rapport aux autres ; et, en rassemblant en un système les séries de décisions, nous devons nous trouver en possession d’une table d’obligation morale, disposée selon l’excellence propre de nos tendances. L’extrême complexité des combinaisons rend la tâche de dresser cette table incertaine et difficile. » Toutefois l’auteur ajoute : • Si le problème nous offre un aspect décourageant, c’est plutôt à cause de sa forme inaccoutumée que pour la difficulté de la matière. »

Avant d’essayer la classification des tendances primordiales de l’homme au point de vue moral et selon la valeur morale relative de chaque tendance, M. Martineau essaye d’en donner une classification psychologique. Il distingue ainsi deux classes dans les impulsions, les tendances qui sont les causes de nos actions : les tendances primaires et les tendances secondaires. « Partant du fait que l’homme est conscient avant d’être conscient de lui-même, et qu’il a dans les deux états des tendances actives, je commencerais par distinguer deux classes de principes tendant à nous faire agir : ceux qui nous poussent à la manière d’instincts irréfléchis… et ceux qui surviennent à l’occasion de la connaissance de soi-même et de l’expérience et dans lesquels est présente la conception d’une fin qui satisfait quelque sentiment reconnu… »

Ces tendances primaires se divisent elles-mêmes en plusieurs classes : les penchants (appétits organiques, spontanéité animale), les passions (antipathie, crainte, colère), les affections (affections de parenté, de société, compassion), et les sentiments (étonnement, admiration et respect).

Les penchants sont surtout le résultat des tendances naturelles de l’organisme, le milieu ne joue qu’un rôle effacé dans leur production, il n’en est pas de même pour les passions. Les sentiments ont ceci de particulier qu’ils s’appliquent à des relations idéales. Les penchants nous entraînent simplement hors de nous, nous ne savons où, les passions éloignent de nous les choses ou les personnes qui nous déplaisent, les affections nous entraînent vers les personnes qui ont avec nous une certaine affinité, les sentiments enfin s’élèvent au-dessus de nous-mêmes, vers ce qui est plus haut que nous, que cela appartienne ou non à une personne.

Dans les tendances secondaires, nous retrouvons les mêmes classes de phénomènes, elles sont caractérisées par ce fait que l’objet de la