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défaut logique du système et le lieu où naît la contradiction. En effet, M. Lotze pose arbitrairement la formule A + B = C, le signe = signifie ici : produit ; puis il interprète la formule selon l’usage vulgaire, = signifie alors : égale. Le jugement de production, de condition, devient un simple jugement d’égalité, le principe de raison n’est plus qu’un cas du principe d’identité.

Nul cependant mieux que M. Lotze n’a marqué la différence essentielle de ces principes. Le premier domine la réalité, le dernier ne conditionne que la possibilité des choses. Celui-ci en un sens est plus vaste que celui-là, mais combien aussi il est moins riche et a moins de fécondité ! Ainsi toutes les théories logiques de M. Lotze semblent osciller autour d’un double pivot. Tantôt c’est le principe de raison qui domine et alors nous voyons se former cette théorie si remarquable du jugement et de la classification, la réfutation du calcul logique, et le chapitre dernier sur les vérités à priori ; tantôt c’est le principe d’identité et nous voyons alors l’induction se fonder sur ce principe même au risque de toutes les objections qu’il est facile de soulever.

C’est qu’en effet peut-être faut-il choisir pour fonder la Logique entre le principe de contradiction et la loi de raison suffisante. Si, dans le syllogisme, la conclusion ne fait que répéter les prémisses, comment éviter les reproches de Stuart Mill ? Si la conclusion est plus vaste que les prémisses, comment justifier le syllogisme par le seul principe d’identité ? Voilà la Logique enfermée dans un dilemme. On en sortira si l’on avoue résolument que la conclusion est autre que les prémisses, qu’elle en sort sans doute, mais qu’elle en diffère. Mais il faut alors reconnaître que le principe qui domine la syllogistique est un principe d’une toute autre portée que celui d’identité ou de contradiction. Hegel a ouvert les voies. C’est dans cette direction que l’on doit chercher une rénovation de la Logique et non dans les subtilités vides de la quantification du prédicat, du calcul logique et de la logique par substitution. On abandonnerait alors la syllogistique un peu étroite tirée des premiers Analytiques pour constituer une syllogistique plus large dont on pourrait trouver plus que le germe dans les derniers Analytiques. — M. Lotze a eu un sentiment très vif de cette situation de la Logique. Des parties entières de son système et de beaucoup les plus importantes sont orientées dans le sens que nous indiquons. Mais pour n’y avoir pas tourné toutes les autres, sa Logique ne peut être considérée comme un Organum définitif. Elle regarde sans doute vers l’avenir, mais reste encore trop engagée dans le passé, aussi ne marque-t-elle qu’une étape et n’est-elle qu’une transition.

G. Fonsegrive.