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FONSEGRIVE. — la logique de lotze

trouvé peut-être matière à réflexions, et sa théorie des inférences immédiates et des figures du syllogisme aurait pu s’en ressentir. Peut-être aussi son chapitre sur la Définition eût-il gagné quelque chose à la lecture de la thèse de M. Liard sur les Définitions géométriques et les définitions empiriques[1].

Venant à l’ouvrage même, on ne saurait trop admirer la force de cohésion et la sûreté de raisonnement qui se montrent dans tout le système. La clarté même n’y manque pas, bien que notre analyse forcément succincte coure le risque de détruire cette qualité. Mais ce sont là qualités de pure forme. Que vaut le fond ? Quelle est la position de M. Lotze dans le mouvement logique contemporain ?

Toute la Logique de M. Lotze semble basée sur le principe d’identité, ou sur celui du tiers exclu, qui sont des expressions différentes de la loi disjonctive de la pensée. L’induction elle-même, nous l’avons vu, repose en dernière analyse sur le principe d’identité. Mais, d’un autre côté, M. Lotze n’admet ni la quantification du prédicat, ni la logique par équations, qui en est la conséquence. Il n’admet pas non plus que le syllogisme subsomptif, tel que l’a compris Aristote, puisse être exempté du reproche de cercle vicieux et cela, parce que dans ce syllogisme la conclusion est contenue dans les prémisses à la façon d’un cercle qui est contenu dans un autre, selon les symboles d’Euler. Et pourquoi M. Lotze fait-il ces reproches au syllogisme aristotélique ? Parce qu’il est frappé, comme l’avait été Aristote lui-même dans les derniers Analytiques, du rôle que joue dans la syllogistique un principe bien plus vaste et bien plus fécond que celui de contradiction, le principe qui unit la condition à sa conséquence, le principe de raison. C’est parce qu’il est pénétré de la force de ce principe qu’il accorde dans la classification une importance aussi grande à la loi de la subordination des attributs ; à la fin de la Logique, il semble même vouloir trouver dans ce principe la loi synthétique dernière qui forme, hiérarchise et domine tous les concepts et par eux le système entier de la science et de la métaphysique. Il y a donc une double tendance qui se partage l’ouvrage : tantôt c’est le principe d’identité qui semble le fondement du système et tantôt c’est le principe de raison. Dès les premières pages, le principe de raison semblait l’emporter lorsque M. Lotze ramenait le jugement catégorique au jugement hypothétique ; mais, par la position d’une formule malencontreusement imitée des mathématiques, A + B = C, le jugement hypothétique a lui-même été ramené à un jugement disjonctif. C’est ici, croyons-nous, que se trouve le

  1. Paris, Ladrange, 1873.