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l’erreur qui se produit nécessairement quand on dit S est P ? en opérant dans P une disjonction. Si, en effet, P = p1 + p2 + p3, nous pourrons bien dire que si S est un M il est ou p1, ou p2, ou p3. Nous sommes ainsi arrivés à formuler le jugement disjonctif. Le jugement disjonctif a une valeur que n’ont ni le jugement copulatif (S est à la fois p et q et r), ni le jugement rémotif (S n’est ni p, ni q, ni r), malgré la ressemblance des formes. Les raisons en sont aisées à trouver et nous ne nous y attarderons pas. L’expression formelle du jugement disjonctif se trouve dans le Dictum de omni et nullo et dans le Principium exclusi tertii. Les formules usuelles du Dictum sont complètement fausses, car il n’est évidemment pas vrai que ce qui est vrai de l’universel comme tel le soit aussi du particulier ou de l’individu comme tels. La seule formule correcte est celle-ci : Quidquid de omnibus valet valet etiam de quibusdam et de singulis ; mais cette formule est aussi stérile que correcte. Il faut remplacer le véritable universel par la somme de tous les individus et alors le dictum doit prendre la forme d’un jugement disjonctif. Quand un P universel est l’attribut d’un concept universel M, l’une de ses modifications p1, p2, p3, à l’exclusion des autres, appartient à chaque S, espèce de M. — Il y a ainsi dans le dictum deux parties, l’une positive, qui ne peut être expressément énoncée, que l’universel détermine le particulier ; l’autre négative, qui détermine la manière dont s’opère cette détermination. Cette partie négative est fondée sur le principe du tiers exclu. Ce principe, en effet, n’affirme rien de plus que ce que nous venons de remarquer, à savoir que, de deux prédicats contradictoires p1, p2, d’un sujet S, S en a toujours une à l’exclusion de l’autre. Cette loi n’est d’ailleurs qu’un cas particulier de cette loi universelle de la pensée dont il a été parlé plus haut à propos de la formation du concept, et que nous pouvons nommer la loi disjonctive de la pensée. Cette loi nous force à choisir entre les attributs contradictoires d’un même sujet ; mais, pour opérer ce choix, il faut un moyen. La forme de la pensée qui combine deux jugements pour en former un troisième se nomme inférence ou raisonnement.

III

M. Lotze se trouve donc amené à faire la théorie du raisonnement. Après avoir exposé la théorie ordinaire des inférences immédiates, il expose la doctrine d’Aristote sur le syllogisme et ses figures. Il se contente de quelques remarques de détail ; il proteste, par exemple, contre cette loi de Pierre d’Espagne :