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FONSEGRIVE. — la logique de lotze

l’attribut est adapté au sujet comme l’accident à la substance, c’est d’abord introduire la métaphysique dans la logique et de plus expliquer obscurum per obscurius. Il faut donc conclure que l’attribution de P à S est un acte de synthèse logique. Cette synthèse logique n’est pas dominée par le principe d’identité : en effet, si S = S et n’égale que S, que P = P et n’égale que P, on ne peut dire absolument que S = P. D’où M. Lotze conclut que le principe de contradiction ou d’identité est une loi ultime de la constitution interne de la pensée, mais que cette loi ne peut rien produire par elle-même et n’est même pas susceptible d’être exprimée.

Comment cependant arriver à justifier le jugement catégorique ? Il y en a de deux sortes : le jugement analytique et le jugement synthétique. En logique, il faut justifier tous ces jugements. Dans le jugement synthétique à posteriori, l’expérience nous montre l’existence simultanée de S et de P, mais leur union dans la pensée est l’œuvre de l’esprit et une interprétation du donné. Le jugement synthétique à priori contredit plus formellement encore le principe d’identité. La difficulté est la même pour le jugement analytique. Quel droit avons-nous d’attribuer à S un P qui n’est pas S ? Nous ne pourrons arriver à établir ce droit qu’en montrant que tous ces jugements se ramènent en définitive à des identités. Or, c’est ce que nous pouvons faire si nous remarquons que dans la formule ordinaire du jugement catégorique : S est P, S et P sont pris dans un sens universel ; mais dans la pensée de celui qui formule le jugement, S a un sens déterminé Σ qui coïncide de tous points et est dès lors parfaitement identique avec une portion déterminée de P, soit Π. La relation exprimée n’est plus une relation universelle entre deux universels, mais une relation singulière entre deux expressions différentes d’une seule et même existence individuelle. Ainsi quand nous disons : quelques hommes sont noirs, nous voulons dire : les hommes noirs sont les hommes noirs, ce qui est une pure tautologie. Quand nous disons de même : le chien boit, l’analyse nous montre que cela revient à dire : ce qui boit = ce qui boit. Il en est de même dans ces jugements mathématiques : La ligne droite est le plus court chemin d’un point à un autre ; 7 + 5 = 12. Ces jugements sont analytiques et non synthétiques, comme l’avait cru Kant. Tous les jugements catégoriques peuvent donc se ramener à de pures identités. Si nous désignons par A les hommes noirs, par B le chien qui boit et par C César qui passe le Rubicon, le premier jugement prendra cette forme A = A, le second celle-ci : B = B, le troisième cette autre : C = C Seulement, dans le premier cas, il faudra dire que A existe toujours, que B existe quelquefois seu-