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il s’appuie dans cette critique que nous ne pouvons développer ici est qu’aucune de ces catégories n’exprime une relation de la copule. Toutes les relations de la copule lui paraissent exprimées dans les jugements catégoriques, hypothétiques et disjonctifs.

M. Lotze déroule ici la série des formes du jugement. Le jugement catégorique précède l’hypothétique et le disjonctif, mais n’y en a-t-il aucun autre avant le catégorique ? « Cette proposition S est P ne peut être exprimée avant que le cours de nos idées nous ait informé qu’un S est posé et a des caractères reconnaissables de telle sorte qu’un P peut lui être uni dans la pensée à titre d’attribut. » Ainsi, la position impersonnelle de S est la condition du jugement S est P, mais cette position de S est un jugement impersonnel. Ainsi pour pouvoir dire : le froid est grand, il faut auparavant avoir dit : il fait froid. Dire ceci, ce n’est pas seulement sentir, mais juger. La condition préalable du jugement catégorique se trouve donc dans un jugement impersonnel. Ce jugement rapporte la perception présente à un sujet permanent, désigné d’une façon indéfinie par le pronom il. En fait, ce mot il représente la pensée d’un sujet commun auquel les phénomènes sont liés comme prédicats ou dont ils procèdent. Ce sujet commun n’est autre que la Réalité tout entière.

La plupart des logiciens donnent pour exemple du jugement catégorique des jugements de cette sorte : S est P, l’or est pesant, l’arbre est vert. La structure de ces propositions est simple et claire, mais cette apparente clarté enveloppe une énigme. Nous ne savons comment le sens de la copule dans le jugement catégorique nous pousse à faire subir à notre activité logique une foule de modifications successives. — On est, en effet, embarrassé dès qu’on demande en quel sens S et P sont unis dans un jugement catégorique en tant que ce jugement est distinct du jugement hypothétique et du jugement disjonctif. La réponse commune est que le jugement catégorique affirme P et S absolument, tandis que, dans les deux autres espèces de jugement, il entre une condition ou une alternative. M. Lotze ne trouve pas cette réponse satisfaisante. En effet, quand on dit : l’or est pesant, on n’affirme point l’identité de l’or avec la pesanteur ; l’attribut est possédé par le sujet, il n’est pas le sujet, il ne peut donc lui être attribué que sous certaines conditions restrictives. Platon a été le premier à toucher cette question, mais sa solution est insuffisante. C’est Aristote qui a rendu possible la découverte de la véritable solution en observant que c’est par une opération logique que P est rapporté à S. Mais il n’a pas montré la modification particulière que subit S lorsqu’on lui attribue P. — Dire avec Kant que