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l’est pas toujours, a bien montré qu’elle est, comme dit Pascal, une puissance trompeuse et invincible.

Nous recevions récemment la visite d’un docteur lyonnais qui voulait bien nous annoncer qu’il a institué depuis quelques années une clinique des passions. La clientèle est nombreuse : notre docteur guérit principalement les maris libertins et emportés, la jalousie chez les hommes et chez les femmes, l’entêtement et la désobéissance chez les enfants. Que dis-je ? il prétend créer des aptitudes au droit, à la médecine, aux mathématiques : quatre cancres ont été par lui dotés de remarquables aptitudes théologiques. Mais citons quelques lignes de son étonnant recueil : « Mademoiselle X…, âgée de dix-neuf ans, était timide, concentrée, peu affectueuse, nullement expansive, égoïste, avare, ne partageant jamais avec ses sœurs ce qu’on fui donnait. D’après mon conseil, sa mère lui a administré 6 à 7 globules de Calcarea carbonica 300e dilution en une seule fois. Quinze jours plus tard, cette jeune fille se montrait plus expansive, plus affectueuse : elle embrassait sa mère quatre à cinq fois par jour, ce qu’elle n’avait jamais fait auparavant. » Tout aussi merveilleux sont les effets de Lachesis 200e et de Causticum 30e. Et ce que nous n’avons pas écrit, ce sont trois mots destinés à sauver l’honneur de l’homæopathie et qui font de ces guérisons des miracles non à dose infinitésimale et homœæopathique, mais à la plus haute puissance : les remèdes sont administrés à l’insu des malades qui guérissent ainsi par l’imagination d’autrui, par la vertu étonnante du similia similibus.

M. Hack Tucke est certes moins ambitieux pour sa psycho-thérapeutique. Il souscrirait sans doute ds tout cœur à ces paroles si sensées de notre vieux Laurent Joubert : « Nous disons communément en nos escholes : Celuy guérit plus de malades à qui plusieurs se fient. Et c’est de la forte imagination qui a très grand pouvoir à faire impression en nous. C’est une puissance de l’âme qui esmeut fort le sang et les esprits, de sorte que si elle marche avec une ferme opinion et confiance, les forces de nature s’assemblent pour combattre le mal. Et pour autant on voit de grands changements au malade, à la seule arrivée du médecin dévotement attendu. Car le désir et l’espoir estant satisfaits, l’âme se relève et renforce contre le mal : tellement que bien souvent nature fait quelque brave saillie et effort, chassant la matière du mal impétueusement, par une crise qu’on appelle. » Les remèdes les plus extravagants seraient-ils donc les plus efficaces comme frappant davantage l’imagination ? Ce n’est pas la pensée de Joubert qui a écrit un livre : des Erreurs populaires en médecine, où ces remèdes sont spirituellement dévoilés et raillés. Il est certain que les rois catholiques et hérétiques ont guéri des écrouelles, mais faut-