Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/617

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
613
BERTRAND. — le corps et l’esprit

l’hôpital comme atteinte de myélite chronique. On la mène à Lourdes ; c’était presque un cadavre ; à peine ses pieds eurent-ils touché l’eau qu’elle sent la vie revenir dans tous ses membres. « Je sens que la Vierge est présente ; je la vois, je la touche ! » La guérison dura cinq ans : une émotion détruit ici ce qu’une émotion précédente avait produit. La deuxième est celle d’une épileptique devenue telle et peut-être en outre paraplégique à la suite d’une grande frayeur, car elle était extrêmement impressionnable. Tous les traitements, bromures, électricité, bains, phosphates, cautères avaient échoué. Une neuvaine puis une visite à la grotte la guérirent : elle courut à l’autel et finit par aider les autres malades. On croit lire un récit des tablettes votives retrouvées dans le Tibre et attestant les miracles des anciens Asclépions. « Ces jours derniers, un certain Gaïus qui était aveugle, apprit de l’oracle qu’il devait se rendre à l’autel, y adresser ses prières, puis traverser le temple de droite à gauche, poser les cinq doigts sur l’autel, lever la main et la placer sur ses yeux. Il recouvra aussitôt la vue en présence et aux acclamations du peuple. » La troisième guérison relevée par notre auteur est celle d’un prêtre paralytique ou du moins complètement privé de l’usage de ses genoux qui étaient comme enkylosés : exhorté par un confrère, témoin d’une guérison miraculeuse, pressé, dit-il, par une voix intérieure, un matin qu’il assistait à la messe, il se sent guéri, il se lève, se met à genoux, marche et, tout transporté, adresse une allocution à la foule. Mêmes guérisons dites miraculeuses à Knock, près de Cáremeris, dans l’ouest de l’Irlande. Le livre de Henri Lasserre cité concurremment aux annales de la Salpêtrière, voilà qui est nouveau et qui peut scandaliser : hâtons-nous d’ajouter qu’il est toujours cité avec un grand respect et qu’il est évident que c’est là pour notre auteur un document humain de premier ordre, comparable ou plutôt très supérieur à tout ce qui nous a été laissé concernant les possédées de Loudun et le procès d’Urbain Grandier. Le dernier mot sur ces guérisons a été dit il y a longtemps par P. Pomponace : « On conçoit facilement les effets merveilleux que peuvent produire la confiance et l’imagination, surtout quand elles sont réciproques entre les malades et celui qui agit sur eux. Les guérisons attribuées à certaines reliques sont l’effet de cette imagination et de cette confiance. Les méchants et les philosophes savent que si à la place des ossements d’un saint on mettait ceux de tout autre squelette, les malades n’en seraient pas moins rendus à la santé, s’ils croyaient approcher de véritables reliques. » Voilà ce que pensaient, dès le xve siècle, les méchants et les philosophes ; mais depuis, l’imagination s’est bien vengée de la raison, et cette maîtresse d’erreurs, d’autant plus fourbe qu’elle ne