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images évoquées automatiquement par l’activité psychique des centres cérébraux : l’inconscient actuel serait le résidu d’une conscience antérieure, et notre microcosme d’images serait en partie hérité, en partie créé par nous. Toutes ces images tendraient, comme les possibles de Leibniz, à la réalisation, et la volonté ou possession de soi-même deviendrait essentiellement un pouvoir d’inhibition cérébrale et de suspension cartésienne du jugement. Pensée, c’est parole intérieure ; penser, c’est se retenir de parler. De même, imaginer, c’est se retenir d’agir : les mouvements ne sont ni créés ni empêchés, car l’image non encore réalisée est un mouvement qui échappe aux sens. Ainsi la volonté, disons, si l’on veut, la liberté n’augmente ni ne diminue la quantité de force ou de mouvement qui constitue la circulation universelle de la vie l’inconscient en devenant conscient ne change pas de nature, non plus que la montagne ou la forêt quand le soleil se lève ; l’image en devenant mouvement ne fait aussi que se manifester et devenir visible de latente qu’elle était. Il n’y aurait pas même passage du potentiel à l’actuel : l’image ne serait pas le potentiel du mouvement, mais le mouvement lui-même, et d’ingénieuses expériences, celles de M. Chevreul, par exemple, attesteraient la réalité actuelle du mouvement dans l’image. Nous avons loué M. Hack Tucke de s’être abstenu de toute métaphysique. Qu’il nous pardonne pourtant cette digression : le Français, quoique né malin, est resté naïf, et, s’il ne lâche plus la proie pour l’ombre, il reste, malgré qu’il en ait, un animal généralisateur et métaphysicien.

IV

Anglais et médecin, notre auteur termine heureusement son étude par des considérations pratiques et médicales sur la cure des maladies par l’influence du moral sur le physique : c’est la psycho-thérapeutique, l’hygiène de la médecine du corps par l’esprit. La question est des plus délicates. De quoi s’agit-il en effet ? d’appeler l’imagination à l’aide des médicaments ou de remplacer les médicaments par l’imagination. Qui ne voit qu’il est impossible d’introduire ici la mesure et le calcul, de doser, si l’on peut ainsi parler, l’émotion et l’imagination. La guérison d’un mal peut dès lors conduire en un pire. M. Hack Tucke étudie et critique trois guérisons racontées par Henri Lasserre. La première est celle d’une demoiselle, C. E., prise à la suite d’un scandale public d’une violente douleur dans le dos, puis admise quelques années après à