Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/614

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
610
revue philosophique

organiques, exerce une influence spéciale sur les glandes et les tissus qui se rapportent aux membranes muqueuses ; la volonté, qui a pour fonction générale de déterminer le mouvement, agit principalement sur les fibres musculaires. À l’intelligence se rapportent les nerfs, les sensations ; à l’émotion, la peau, les glandes, le tube digestif, les fonctions organiques ; à la volonté, la contraction musculaire, le mouvement. Ces notions synthétiques que nous nous efforçons de justifier et qu’il convient d’appliquer avec mesure, sont un guide précieux dans l’étude des phénomènes psycho-somatiques. Mais pour rester dans le vrai, il faut ajouter que l’Intelligence se borne d’ordinaire à agir sur le cerveau, bien qu’elle puisse dans certains cas agir aussi sur les mouvements et sur les fonctions organiques ; que les Émotions exercent presque exclusivement leur action sur le cœur et les poumons, les vaisseaux et les glandes ; enfin que la Volonté, impuissante à l’égard des tissus et des organes précédents, agit principalement sur les divers muscles du mouvement. »

Il faudrait, avant d’étudier la thérapeutique psychique, déterminer brièvement le pouvoir de la volonté sur le corps, influence que nos cours classiques résumaient jadis par une belle phrase de Bossuet : une âme guerrière est maîtresse du corps qu’elle anime. On dit volontiers aujourd’hui que la science est l’œuvre de la volonté et l’on revient ainsi à une théorie favorite de Descartes : la science en effet suppose l’abstraction et l’abstraction semble être l’œuvre de la volonté. Le savant et le philosophe sont des hommes habitués à suspendre par un effort de volonté l’image qui tend à naître et à s’affirmer : un bateau est pour les autres hommes une barque, un canot, une chaloupe, un ponton, un batelet ; pour le philosophe qui ne pense ni à la forme ni au chargement du bateau, toutes ces images sont vaines ; il les écarte quand elles tendent à naître et à prévaloir sur l’idée abstraite et générale du bateau ; il morigène et réfrène son cerveau ; il finit par dompter son imagination et demander à propos d’une tragédie qu’est-ce que cela prouve, et à propos d’un palais le nombre de ses fenêtres, la largeur et la hauteur de sa façade. Le philosophe agit donc sur ses centres sensoriels pour les modérer et y étouffe l’image naissante comme tel homme agit sur son cœur pour en modérer ou même en arrêter les battements, comme un ventriloque renfonce sa voix et la dépouille de son timbre ; mais ces derniers talents sont plus rares. On cite des morts par effort de volonté : le docteur Cheyne a observé un colonel qui avait la faculté de se donner à volonté toutes les apparences de la mort ; plusieurs fois l’expérience faillit lui coûter cher, et il finit par mourir subitement quelques heures après une de ces expériences de mort simulée. Réciproquement, on cite des cas