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BERTRAND. — le corps et l’esprit

ni universelle ni exclusive : le chagrin se fait sentir au cœur et l’étreint ; la mélancolie et la tristesse troublent la respiration et font soupirer ; la joie et la gaieté disposent favorablement le foie et l’estomac.

8o Règle de psycho-thérapeutique : telle maladie détermine telle disposition sensible ou intellectuelle de l’esprit, concluez que réciproquement cette disposition intérieure déterminera cette maladie et qu’une disposition contraire l’atténuera et la guérira. Les maladies de foie rendent les gens irascibles plus que les maladies du poumon : donc la colère agira sur le foie plus que sur le poumon. Les affections du cœur s’accompagnent de préoccupation et d’anxiété, donc les inquiétudes produiront ou aggraveront les maladies du cœur, toutes choses égales d’ailleurs, plutôt que les maladies du foie. Les phtisiques, en dépit du mal qui les mine, sont pleins d’espérance, donc l’espérance favorise la respiration. Ce mode d’analyse et de généralisation nous semble nouveau et ingénieux, mais il ne faut user de cette loi de réciprocité qu’avec prudence à cause de l’extrême complexité des phénomènes.

9o L’influence thérapeutique de l’esprit sur le corps ne se fait pas seulement sentir dans les maladies nerveuses, mais dans toutes les maladies : il vient au secours, dit notre auteur, de la vis medicatrix et lutte souvent avec succès contre la vis vitiatrix naturæ. Calmer, égayer, donner confiance, suggérer des motifs d’activité, distraire, fortifier l’attention, renforcer la volonté : tels sont nos moyens d’action. Sans charlatanisme aucun, et même sans nous abandonner au grossier empirisme, nous pouvons régulariser ces moyens d’action : le Braidisme est de beaucoup la meilleure méthode, car il est d’un emploi commode, presque instantané, et n’exerce aucune influence nuisible sur les idées et la rectitude du jugement. La base théorique du traitement psychique est la loi d’influence de l’attention et de la volonté sur toutes les régions du corps : suggestions mentales, passes magnétiques, fixation des yeux, inconscience ou demi-conscience, somnambulisme provoqué, il ne faut proscrire aucun des moyens que la science possède et qu’un homme de l’art, compétent et autorisé, surveille et contrôle.

Tout cela est-il assez précis et rigoureux pour satisfaire complètement le lecteur ? Il y a longtemps qu’Aristote a dit qu’il ne faut demander à chaque science que le degré de certitude qu’elle comporte et ne pas s’ingénier à fendre une bûche avec un rasoir. « En résumé, dit notre auteur, l’intelligence dépend primitivement de la sensation pour l’exercice des diverses fonctions, et elle est en étroite relation avec le système nerveux ; l’émotion, qui agit si fortement sur les fonctions