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BERTRAND. — le corps et l’esprit

dans les maladies nerveuses dont elle frappe notre espèce, fort bien ; encore faut-il que le médecin et le savant s’entourent de toutes les précautions imaginables. Mais qu’un vulgaire hypnotiseur, mêlant à ce qu’il croit la science des tours de prestidigitation, ait le droit de se livrer publiquement à de pareilles expériences pour l’amusement de la galerie, cela est exorbitant. Mais, direz-vous, les patients sont libres : c’est de bonne volonté qu’ils lui livrent leur cerveau à détraquer ; n’importe, car ils ignorent souvent que ces expériences sont malsaines et dangereuses ; on les trompe sciemment en leur disant le contraire et il est toujours dangereux d’abdiquer même momentanément la direction de son cerveau au profit d’un autre. Il n’est peut-être pas superflu de rappeler, en face de ces tendances du jour, le beau précepte de Kant : l’humanité est une fin en soi ; il est donc interdit d’en faire un moyen pour une autre fin, cette autre fin fût-elle la science, la gloire, ou les gros sous.

III

« Ma vie est à la merci du premier gredin qui voudrait me faire mettre en colère », avait coutume de dire John Hunter et il mourut effectivement d’une angine de poitrine causée par un accès de colère. Hack Tucke cite deux cas où une menace et une malédiction se sont réalisées ipso facto. « Que le dieu tout-puissant vous rende muet » > ! dit un prisonnier que son gardien brutalisait ; pendant sept jours le gardien fut effectivement muet. « Puissiez-vous en quittant cette salle être frappé de paralysie ! » s’écria une femme exaspérée de voir son mari témoigner en justice contre ses fils, et le vieillard tomba en effet paralysé en sortant de la salle, et rien ne put décider la femme à retirer sa malédiction selon le préjugé populaire en crachant sur le malade, qui resta à l’hôpital. La même influence psychique qui donne les maladies peut aussi les ôter. Avant d’aborder la psychothérapeutique, résumons en quelques lois générales l’influence des faits sensibles et des faits intellectuels sur le corps. Nous suivrons exactement notre auteur.

1o Les idées qui résultent de la perception des impressions sensorielles peuvent d’elles-mêmes agir sur les extrémités internes des nerfs sensoriels et provoquer des sensations générales, spéciales, organiques, musculaires, toutes les illusions subjectives de la sensibilité.

2o Le rappel ou la réminiscence des idées est intimement liée avec l’activité des centres sensoriels en vertu de la loi que l’idée et la sen-