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L’occasion qui a donné naissance au livre vaut la peine d’être racontée. C’est la lecture d’un fait divers intitulé : Effets curatifs d’une collision de chemin de fer, qu’on ne peut guère soupçonner d’être une réclame du médecin de la Compagnie. Un rhumatisant est frappé dans un hôtel d’une attaque arrivée au paroxysme et n’a pas d’autre idée que de rentrer au plus vite à son logis : il rassemble toutes ses forces et pâle, défait, en proie à d’horribles battements de cœur, à un violent mal de dents, il monte en wagon plus mort que vif, ruisselant de sueur : « Tout à coup, cric, crac, patatras ! me voilà lancé d’un côté à l’autre du wagon comme une bille de billard renvoyée par les bandes, et le compartiment est inondé du sang d’une infortunée victime dont le visage vient d’être fracassé contre les parois de la voiture. » Par un bonheur inouï, le choc tua non le malade, mais le mal. Il faut reconnaître d’ailleurs que notre auteur trouvait en lui-même une cause prédisposante dans son énergie morale. Ayant à se faire arracher une dent, il eut le désagrément d’arriver chez son dentiste un jour que celui-ci manquait de chloroforme et il y suppléa en se disant à lui-même pendant l’opération : « que c’est agréable ! que c’est agréable ! », comme ce criminel dans les tortures de la question disait continuellement, io ti vedo, je vois la potence ! Il est malheureux qu’on n’ait trouvé ni la formule ni la recette de ce chloroforme psychique dont le vrai nom est peut-être force d’âme. Les malades, les martyrs et les médecins nous en ont décrit les effets : M. Hack Tucke les classe et les décrit à son tour, mais il ne les explique pas. Choisir dans l’innombrable quantité de faits légués par le passé ou constatés à notre époque les plus typiques et surtout les plus dignes de foi ; s’élever par de prudentes inductions aux lois qui s’en dégagent pour ainsi dire d’elles-mêmes ; s’enfermer obstinément dans le déterminisme des faits et des faits généralisés en se refusant d’interroger les causes sourdes, causes premières et même causes secondes ; viser par la théorie à la pratique et s’abstenir de morale aussi bien que de métaphysique en restant médecin et en poursuivant comme but principal la guérison des maladies par l’influence du moral sur le physique : tels sont les traits les plus accentués du livre de l’Esprit et du Corps, nouveau après tant d’autres sur le même sujet et original malgré l’emploi fréquent de matériaux déjà mis en œuvre.

II

Les effets que la puissance de l’esprit peut produire dans le corps peuvent être ramenés à cinq groupes que l’on désignera par les