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de l’individu, personnalité qui est rendue assez stable par la communauté des images.

Si, tout d’un coup, les images ordinaires, communément présentes à la conscience, se trouvent, par suite d’un état psychique quelconque, brusquement effacées, et si, d’un autre côté, d’autres images apparaissent soudain, qui, jusque-là, ne s’étaient pas présentées à la conscience, il s’ensuit qu’il se crée pour ainsi dire une personnalité nouvelle : un nouvel état de conscience prend naissance, qui n’a plus aucun rapport avec la personnalité précédente. C’est ce qu’on a bien observé dans plusieurs cas intéressants de somnambulisme. On a vu deux consciences différentes, parce qu’il y avait deux groupes de souvenirs différents, et on ne pouvait donner de meilleure démonstration de ce fait que la conscience de la personnalité est un phénomène de mémoire.

Il nous resterait enfin à étudier les phénomènes qui se passent dans les images inconscientes. Tout nous donne lieu de croire que ces images inconscientes ne sont pas plus immobiles que les images conscientes. Sans doute elles se modifient, s’associent, se transforment par des combinaisons, des groupements, auxquels nous ne pouvons assister, puisqu’aussi bien, par le fait même de leur inconscience, elles sont complètement soustraites à notre appréciation. Nous ne pouvons juger que des effets ; et parfois ces effets sont remarquables ; car certaines observations nous prouvent que les idées inconscientes exercent sur la conscience une influence très puissante. Nous ne voyons que le résultat, la conclusion du travail latent qui s’est opéré en nous, sans nous, pour ainsi dire. — Mais c’est là une question bien obscure encore, et qui mériterait une étude toute spéciale de psychologie descriptive.

Nous avons seulement voulu établir quelques lois de psychologie générale. Le mot est ambitieux peut-être ; mais, si insuffisant que soit l’exemple donné ici, nous croyons qu’il y a une psychologie générale, comme il y a une physiologie générale, et qu’on peut établir les conditions de la vie psychique, comme les physiologistes ont établi les conditions de la vie physiologique.

Charles Richet.