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mais je ne pourrai me le rappeler que si je le cherche, et alors je fixerai mon esprit sur les idées : nerfs d’arrêt, nerfs pneumogastriques, mouvements du cœur. Ainsi j’établirai une sorte de classification ; le souvenir me reviendra que la théorie des nerfs d’arrêt est assez récente, qu’elle était inconnue au commencement du siècle, et que cependant on en parlait vers 1860. Cela me donne donc à chercher parmi les physiologistes qui ont expérimenté de 1830 à 1860 : Magendie, Flourens, Müller, Longet, Claude Bernard, et aussitôt le nom de Claude Bernard, qui a observé en effet l’action du nerf pneumogastrique, me rappelle le nom de Ed. Weber, qui, en 1845, a, pour la première fois, à Naples, constaté qu’en excitant ce nerf on arrête le cœur.

Un autre moyen d’évocation volontaire consiste dans la réapparition de l’image. L’image sur laquelle l’attention se fixe avec force devient plus brillante, et on peut en saisir alors maint détail. Si je veux, par exemple, me souvenir de ce que faisait Paul il y a quinze jours, je fixerai mon attention sur l’image de Paul ; je tâcherai de revoir l’endroit où il était, les vêtements qu’il portait, les personnes qui l’entouraient, jusqu’à ce que son image apparaisse avec plus de force.

À vrai dire, ces trois procédés d’évocation, par l’image identique, par l’image analogue spontanément apparue, et enfin par l’image analogue volontairement renforcée, ces trois procédés, dis-je, peuvent se ramener à un seul et unique mode, l’association et l’analogie des idées.

Sur ce sujet, traité de main de maître par tant de psychologues, il est inutile d’insister davantage.

Quant aux animaux, certes ils ont, comme nous, la mémoire d’évocation. Mais comment se manifeste-t-elle ? et le rappel des images anciennes suit-il les mêmes lois que chez nous ?

Il est permis de supposer qu’à part le fait de l’attention, laquelle chez l’animal est à peu près tout à fait absente, les lois de l’évocation des images sont les mêmes que chez l’homme. Il s’agit bien entendu de l’animal intelligent et supérieur ; car, chez les êtres inférieurs dont les actes sont réglés par un mécanisme immuable, il n’y a pas de place pour la mémoire. Mais chez le chien, chez le cheval, chez l’éléphant, chez le singe, il y a une mémoire d’évocation. L’image ancienne n’apparaît sans doute que s’il y a, comme sensation présente, une image actuelle ressemblant plus ou moins à l’image ancienne. Mais, selon toute vraisemblance, les rapports d’une idée ancienne avec l’idée actuelle sont infiniment moins nombreux et moins compliqués ; en outre, la netteté des images anciennes est bien moindre chez