Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome XXI, 1886.djvu/577

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
573
CH. RICHET. — origines et modalités de la mémoire

moire va aller en grandissant de génération en génération, tendant à devenir toujours de plus en plus intense. C’est un légitime espoir que nous pouvons formuler pour l’avenir de la race humaine.

Chez les êtres inférieurs, dont les actes sont réflexes ou instinctifs, la mémoire joue un rôle médiocre, sinon nul, et il est probable que, si les sensations et les excitations laissent une trace dans leur organisme mental, cette trace est faible, et n’a guère d’influence sur leurs actions ultérieures.

Quant aux animaux dont l’organisation psychique est plus haute, on ne saurait rien affirmer de positif. Cependant on a cité des exemples remarquables de mémoire, depuis le chien d’Ulysse, qui reconnaît son maître après dix ans d’absence, jusqu’à à ce fait banal du cheval qui retrouve le chemin par où il a passé, ne fût-ce qu’une seule fois et il y a longtemps. Mais, quant à savoir jusqu’où s’étend cette mémoire des animaux, personne jusqu’à présent ne pourrait rien affirmer de positif.

Il est permis de penser que le développement de la mémoire est absolument et rigoureusement synergique du développement intellectuel. La conscience, l’imagination, le langage, ne sont, à vrai dire, que des phénomènes de mémoire ; de sorte que dire d’un animal qu’il est très intelligent, c’est implicitement dire que sa mémoire est très développée.

Ainsi peut-être s’explique le parallélisme incontestable qui existe entre le volume du cerveau et l’intelligence. Malgré des exceptions apparentes, dues sans doute à une insuffisance de nos connaissances, c’est une loi générale que les animaux intelligents ont un cerveau plus développé et plus gros, plus riche en circonvolutions, que les animaux inintelligents. Leurs cellules nerveuses sont en plus grand nombre, ce qui probablement entraîne la possibilité de fixer un plus grand nombre d’images. Assurément, c’est là encore une hypothèse qu’il est impossible de prouver en toute rigueur. Mais le rapport entre la mémoire d’une part, et le volume du cerveau, d’autre part, est si étroit qu’il nous autorise bien à faire cette supposition.

V

Nous avons jusqu’à présent considéré la fixation des images comme un phénomène passif ; et en effet, bien souvent, elle est passive. Mais il est un cas où cette fixation est active, c’est-à-dire qu’elle peut être influencée par la volonté.