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CH. RICHET. — origines et modalités de la mémoire

En un mot, une excitation forte prolonge son effet pendant très longtemps elle reste pendant quelques minutes, ou même une heure dans le champ visuel de la conscience ; puis, s’effaçant de plus en plus, elle disparaît du champ de la conscience. — Elle n’y reparaîtra que si elle est évoquée par la volonté ou le hasard.

Reprenons notre comparaison du phénomène sensitif avec le phénomène musculaire. Un muscle, quand il se contracte, donne une secousse à ascension rapide, et à décontraction (descente) d’abord rapide, puis de plus en plus lente (fig. 2) : de même la sensation (en tant que phénomène présent à la conscience) monte rapidement à son apogée, puis elle va ensuite en s’affaiblissant de plus en plus, comme une lumière qui s’éteint lentement. Enfin elle disparaît de la conscience, pour se perdre dans la profondeur des vieux souvenirs inconscients.

[Image à insérer]

Fig. 2. Contraction musculaire. — D, diapason vibrant cent fois par seconde. A’A, période latente. AH, ascension. HB, descente. S, moment de l’excitation électrique.

Mais, nous le répétons, ce qui fait la différence du muscle et du système nerveux psychique, c’est que le muscle, quand sa contraction a été terminée, revient peu de temps après à son état primitif, tandis que la cellule psychique ébranlée par un mouvement conserve indéfiniment le souvenir de ce mouvement.

Le fait sur lequel nous voulons ici insister, fait d’une importance primordiale, c’est que la persistance de la sensation est absolument nécessaire pour la conscience de la sensation.

Les phénomènes psychiques ne sont pas rapides. Alors que les faits de la physique se comptent par cent millièmes et dix millièmes de seconde, les phénomènes physiologiques par centièmes et dixièmes de seconde, les phénomènes psychiques doivent se compter par minutes. Une sensation qui durerait une seule minute tout compte fait, — c’est-à-dire en tant que sensation présente et en tant que vibration consécutive présente à la conscience — cette sensation d’une minute, dis-je, serait d’une brièveté extrême, et, malgré son intensité, très peu importante pour l’esprit. Il faut qu’une sensation laisse une