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images se sont gravées dans la mémoire, sans qu’il se donnât la moindre peine. Mais aujourd’hui, pour faire reparaître ces souvenirs, il est forcé de faire un effort. Ces mots de mémoire active et de mémoire passive sont mauvais ; car, de fait, l’intelligence est toujours active ; et, d’autre part, certaines images reparaissent à la mémoire presque passivement sans avoir été rappelées par un effort de l’attention ou de l’intelligence. Il est plus juste de dire qu’il y a une mémoire de fixation des images, fixation qui est le plus souvent indépendante de nous, et une mémoire de rappel et d’évocation des images fixées déjà.

La mémoire d’évocation est le quatrième terme de perfectionnement psychique ; ce qui nous donne la série hiérarchique suivante : A. Excitation brève et réponse prolongée (Contraction musculaire et vibration cellulaire).

B. Excitation brève, dont l’effet persiste à l’état latent pendant quelques minutes (Mémoire élémentaire).

C. Excitation dont l’effet persiste indéfiniment (Mémoire de fixation).

D. Excitation fixée dans la mémoire et qui peut reparaître quand elle est évoquée (Mémoire d’évocation).

III

Comme nous n’avons pas la prétention de faire ici une monographie de la mémoire, il nous suffira d’indiquer quelques points essentiels des conditions de la mémoire de fixation d’abord, puis de la mémoire d’évocation.

La mémoire de fixation est une fonction qui, le plus souvent, est passive, en ce sens qu’elle ne nécessite aucun effort.

Elle se relie, par une chaîne insaisissable, à la mémoire élémentaire, c’est-à-dire qu’elle n’est en quelque sorte que le prolongement de l’excitation.

Supposons par exemple, comme tout à l’heure, une forte excitation électrique, douloureuse. Non seulement la persistance de l’excitation, caractérisée par un ébranlement douloureux et pénible, se prolongera durant une, deux ou trois minutes, mais encore le souvenir ne s’en effacera que très longtemps après. Au bout de dix minutes, on y pensera encore, et cela sans aucun effort ; la sensation étant encore trop récente, et l’ébranlement trop fort pour que le souvenir en ait pu disparaître. Puis, vingt minutes, une demi-heure, une heure après, on n’y pensera presque plus, et enfin, au bout de quelques heures, il faudra un effort intellectuel ou une association d’idées fortuite pour faire revivre ce souvenir devenu ancien.