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CH. RICHET. — origines et modalités de la mémoire

l’état de la cellule nerveuse. C’est ce que nous avons appelé la mé— moire élémentaire ;

8° Retentissement latent, prolongé, indéfini, de l’excitation, qui a modifié d’une manière indélébile la constitution de la cellule nerveuse psychique.

II

Telles sont, pensons-nous, les origines de la mémoire. Mais il faut aller plus avant ; car nous n’avons encore envisagé qu’une seule sorte de mémoire, la mémoire de fixation. Il faut en arriver à la mémoire d’évocation.

Peut être jusqu’ici n’a-t-on pas suffisamment fait une distinction entre ces deux formes de la mémoire.

Voici un individu qui reçoit de tous côtés des sensations diverses ; ses yeux, ses oreilles, son toucher sont ébranlés par des impressions multiples ; il ne fait nul effort, et se contente de vivre. Or, par suite de la constitution de son système nerveux, toutes ces excitations qui ébranlent ses sens laissent leur trace en son esprit, si bien qu’elles ne disparaîtront plus et que chacune d’elles est fixée dans le souvenir.

C’est là une sorte de mémoire qu’on pourrait appeler passive ; car nulle attention n’a été nécessaire. Le phénomène de mémoire s’est produit de lui-même, fatalement, automatiquement, avec autant de facilité qu’une action réflexe ou un mouvement involontaire. Cette fixation indéfinie semble être la propriété des centres nerveux psychiques, propriété de tissu, aussi inhérente à leur constitution physiologique que la contraction musculaire est inhérente à la constitution physiologique des muscles.

Or à cette mémoire passive vient s’ajouter un perfectionnement considérable, qui ne s’opère d’une manière tant soit peu complète que dans l’intelligence supérieure de l’homme : ces images, emmagasinées dans l’esprit, peuvent, à un moment donné, revenir à la conscience, et reparaître, évoquées par une sensation ou une volonté.

Ainsi je suppose que le même individu veuille, le lendemain, se rappeler le souvenir de ce qu’il a vu hier, et raconter à un ami par exemple qu’en passant près du bord de la mer, il a vu un navire à trois mâts, et qu’une charrette attelée d’un mulet l’a croisé dans son chemin, il pourra, par un effort intellectuel, faire reparaître image de la mer, du navire à trois mâts, de la charrette, du mulet, et du chemin. Cet effort sera la mémoire active. Hier, quand il marchait, sans penser à autre chose qu’à respirer l’air du temps, ces