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psychique était comme le phosphore qui, après qu’il a subi l’action de la lumière, reste lumineux dans l’obscurité. Mais je préférerais la comparaison avec la plaque sensible photographique, qui, touchée par la lumière, garde éternellement, par une réaction chimique fixe et indélébile, la trace de l’excitation lumineuse. Sur cette plaque une série d’images peuvent se superposer ; et, quel qu’en soit le nombre, les dernières, se superposant sans cesse sur les précédentes, n’effaceront pas leur image. Ce sera une superposition, une addition, un entassement d’images ; ce ne sera pas la destruction ou l’effacement des images premières par les images qui viennent ensuite,

De même pour le système nerveux psychique, toute excitation qui vient l’atteindre crée en lui un état nouveau, change d’une manière permanente sa constitution, alors que pour le muscle nous ne constatons qu’un changement passager.

Ainsi, malgré nos efforts de synthèse pour rattacher la mémoire proprement dite, celle du système nerveux psychique, à la mémoire élémentaire des cellules musculaires ou des cellules nerveuses organiques, il reste une lacune qui pourra être comblée par des observations ou des expériences nouvelles, mais dont il ne faut pas se dissimuler l’importance. Cette lacune, c’est la différence qui existe entre la courte mémoire d’une cellule musculaire qui vibre pendant quelques secondes, et la mémoire prolongée des cellules nerveuses psychiques qui conservent indéfiniment la trace de la vibration.

La différence est grande ; mais elle n’est pas essentielle. Voici une cellule qui conserve pendant trois minutes, sans aucune réaction extérieure ou intérieure apparente, l’ébranlement d’une excitation. Or, que le phénomène dure trois minutes ou qu’il dure trois ans, c’est, en somme, un fait du même ordre. La différence est que dans un cas la modification est passagère, avec retour à l’état normal, tandis que, dans l’autre cas, la modification est permanente, avec impossibilité du retour à l’état normal.

La restitution se fait complète dans un cas, incomplète dans l’autre, comme si, par suite de son extrême délicatesse d’organisation, la cellule nerveuse psychique ne pouvait subir une excitation sans en être pour toujours définitivement altérée.

Nous pouvons donc établir la hiérarchie suivante :

1o Excitation brève qui provoque une vibration prolongée. C’est là le mode de réaction de toute cellule vivante à une excitation quelconque.

2o Vibration prolongée, qui, même après qu’elle a cessé ou qu’elle parait avoir cessé, retentit encore dans l’intimité de la constitution cellulaire, et modifie d’une manière passagère, plus ou moins longue,